Quatre-vingt-trois leaders, dont plusieurs membres de l'instance politique de Harak Tounès Al-Irada, ont présenté hier leur démission. En concertation les uns avec les autres, Tarek Kahlaoui, Adnane Mansar et les autres démissionnaires du parti ont expliqué leur décision par l'enfermement de Moncef Marzouki dans son costume de président de la République. Selon eux, toutes les structures du parti et tout l'effort des partisans étaient dirigés vers la présidentielle de 2019. «Ce qui importe pour M. Moncef Marzouki, c'est de redevenir président», a lâché l'un de ses ex-proches collaborateurs Adnane Mansar. Le parti créé au lendemain de la défaite à la présidentielle de 2014, à partir des cendres du CPR, s'est semble-t-il fracturé depuis déjà quelques mois. Selon le texte de la démission et des déclarations publiques, la fracture est essentiellement politique. Alors que certains, comme Adnane Mansar, avaient à l'esprit de bâtir un vrai parti et voient en le parlement l'émanation légitime du pouvoir, Moncef Marzouki ne pensait en fait qu'à un retour triomphal au palais de Carthage. Selon Adnane Mansar, l'ex-président de la République serait même en faveur d'un renforcement des prérogatives présidentielles. Selon le texte de la démission signé par les partants, Moncef Marzouki, aveuglé par la présidence, n'a cessé de se rapprocher du parti Ennahdha, jusqu'à en devenir finalement l'incarnation de l'aile extrême de l'islamisme. «Contrairement à la ligne politique du parti qui insiste sur son indépendance vis-à-vis des parties au pouvoir, le parti est placé, de fait, sous l'aile de l'une des parties au pouvoir, et ce, en raison de purs calculs électoraux en relation avec l'élection présidentielle», peut-on lire dans le communiqué rendu public. Selon le même texte, un courant à l'intérieur du parti voulait coûte que coûte se débarrasser des «démocrates» d'Al-Irada, en vue de «présenter le parti comme cadeau». Agenda turco-qatari Mais l'accusation la plus grave est portée par l'un des anciens fervents défenseurs. En effet, Tarek Kahlaoui, intervenant sur les ondes de Shems FM, révèle que l'ex-chef de l'Etat s'est aligné de manière systématique en faveur de l'agenda turco-qatari pour la Tunisie. «Un alignement qui ne se fait pas sur la base des hauts intérêts de la Tunisie et de la souveraineté nationale». En guise de réponse à cette démission collective qui met sérieusement à mal les ambitions de l'ex-président, le député Imed Daimi, fidèle compagnon de route de Moncef Marzouki, publie sur sa page Facebook une photo dans laquelle on voit les deux hommes côte à côte avec un mégaphone devant le consulat de Tunisie à Paris, pour protester contre les retraits de passeport. C'était pendant les années de plomb, en novembre 2010 plus exactement. Une manière pour lui d'afficher son soutien à Moncef Marzouki.