Youssef Chahed, chef du gouvernement, est-il le grand vainqueur de la rupture du consensus Ennahdha-Béji Caïd Essebsi ? Son prochain parti traitera-t-il d'égal à égal avec les nahdhaouis, contrairement aux prévisions de ceux qui pensent qu'Ennahdha n'en fera qu'une bouchée ? Maintenant que le président de la République, Béji Caïd Essebsi, a annoncé la rupture définitive avec Ennahdha, rupture qui signifie que le fameux consensus fait désormais partie de l'histoire, que l'article 99 de la Constitution ne sera pas activé (pour le moment) par le chef de l'Etat, que les doutes sur la tenue des élections présidentielle et législatives prévues fin 2019 sont levés et qu'Ennahdha répond au chef de l'Etat par le biais de son porte-parole officiel en soulignant qu'«il restera toujours attaché au consensus avec le président de la République», il s'agit de savoir maintenant : que va faire le chef du gouvernement Youssef Chahed d'ici le 15 octobre, date de la soumission de son projet de loi de finances 2019 à l'Assemblée des représentants du peuple ? En plus clair, comment le chef du gouvernement, qui a réussi à «former un bloc parlementaire composé de près de 50 députés totalement acquis à ses orientations, va-t-il rentabiliser le succès qu'il a réussi à obtenir le 28 juillet dernier quand son ministre de l'Intérieur, Hichem Fourati, a obtenu la confiance de près de 160 députés dont ceux de Nida Tounès apparentés à Hafedh Caïd Essebsi et qui menaçaient une heure avant le vote de faire tomber le ministre désigné, sans que Nida Tounès n'en soit consulté ou même informé ? Une autre question s'impose aussi : comment Youssef Chahed va-t-il traiter avec Ennahdha maintenant qu'il dispose d'un groupe parlementaire dont le nombre des députés augmente de jour en jour au risque de pouvoir dépasser celui du bloc nahdhaoui au cas où la série des démissions au sein de Nida Tounès se poursuivrait et quel la grogne qui mine les coordinations régionales continuerait elle aussi et prendrait l'allure d'un retour trimphal de Youssef Chahed au parti, mais cette fois en tant que leader incontesté, comme le soulignent plusieurs parmi les membres du groupe parlementaire «la Coalition nationale». Les mêmes députés n'hésitent plus à se déclarer comme étant les lieutenants de Youssef Chahed et les fondateurs de son nouveau parti, baptisé déjà «Annida Al Jadid», rappelant le Néo-Destour quand le leader Habib Bourguiba a décidé de créer son propre parti en se fondant sur un groupe de jeunes destouriens qui ont quitté le vieux Destour pour lancer le Néo-Destour. Il semble que Youssef Chahed a déjà pris la décision de créer son propre parti et que l'annonce de sa fondation n'est plus qu'une affaire de jours. Encore plus, à suivre les déclarations des députés les plus médiatisés parmi les membres du bloc «la Coalition nationale», à l'instar de Sahbi Ben Frej et Walid Jalled, on découvre qu'il existe déjà une stratégie médiatique mise au point dans le but de faire la promotion du prochain parti de Youssef Chahed, le parti qui va briguer aussi bien le Palais de Carthage que celui de La Kasbah. Et ce parti politique dont le noyau est déjà actif à travers les députés les plus influents de «la Coalition nationale» sera peut-être, comme le professe Sahbi Ben Frej, «un projet national rassembleur des forces centristes qui souffrent d'éparpillement». «Nos mains sont tendues vers ceux qui partagent nos orientations et la création du grand parti centriste est une affaire qui dépasse le bloc parlementaire. Elle concerne tout le monde, les députés de la coalition et plusieurs autres personnalités politiques», dit-il, sauf que Sahbi Ben Frej ne désigne pas qui sont ces personnalités. Mais, il n'est pas difficile de comprendre qu'il s'agit de ceux qui considèrent qu'il est encore possible pour la famille centriste de se mobiliser et de se serrer les rangs en prévision des prochaines échéances. Quant au leader qui pourrait rassembler ces forces, les conditions de son ascension sont en train de se réunir et il revient à cette grande famille de distinguer qui parmi ses enfants a la stature de la conduire dans les années à venir.