En Tunisie comme dans d'autres à travers le monde, l'exposition des travailleurs exerçant dans l'industrie des produits électriques et électroniques semble évidente Leur nocivité égale leur utilité, ou presque…Les produits électriques et électroniques sont élémentaires dans la vie de l'homme moderne ; une utilité qui incite les investisseurs à s'engager dans ce créneau et à prendre les grands producteurs internationaux pour exemple. Cependant, le revers de la médaille n'a souvent rien de rassurant. L'industrie électrique et électronique fleurit, tout en mettant la santé humaine et l'écosystème en danger. C'est que le recours inéluctable aux substances toxiques et cancérigènes porte grandement atteinte aussi bien à la main-d'œuvre exerçant dans ce domaine qu'aux utilisateurs des produits électriques et électroniques. Aussi, l'Association de l'éducation environnementale pour les futures générations et l'IPEN ( International POP Elimination Network ), ont-ils organisé jeudi dernier, à la Cité des sciences de Tunis, une conférence en guise de sensibilisation sur l'impact des produits chimiques, contenus dans les équipements électriques et électroniques, sur la santé humaine et sur l'environnement. L'idée étant d'inciter les décideurs à établir une réglementation spécifique à ce domaine de pointe et les industriels à réduire au mieux l'utilisation des produits chimiques toxiques. En Tunisie comme dans d'autres à travers le monde, l'exposition des travailleurs exerçant dans l'industrie des produits électriques et électroniques semble évidente. Une exposition assez prolongée à longueur de journée qui entraîne immanquablement le contact physique et chimique des travailleurs avec des substances chimiques classées comme toxiques, dangereuses et cancérigènes, dont les solvants, les substances corrosives, les résines, les substances utilisées dans les soudures, les irritants sans oublier l'exposition à un taux élevé de toxicité, notamment dans les salles blanches. Dans son exposé sur l'état des lieux des maladies professionnelles et des accidents de travail dans ce domaine en particulier, M. Ibrahim Srasra, ingénieur de sécurité au travail, dévoile quelques données sur les substances à risques. Le TCE ou trichloréthylène et ses dérivés sont responsables d'irritations ophtalmiques. Ils peuvent provoquer une somnolence, voire un vertige, des anomalies génétiques ainsi que des maladies cancéreuses. Ils sont connus comme étant nocifs pour les organismes aquatiques à long terme. Parmi les substances corrosives utilisées dans ce domaine industriel figure l'acide fluorhydrique. La dangerosité de cette substance est confirmée. Elle est, en effet, mortelle au contact dermique, par ingestion et même par inhalation. L'industrie électrique contribue à 9,5% des maladies professionnelles Outre ces deux exemples, la liste des substances chimiques toxiques est immensurable et englobe jusqu'aux perturbateurs endocriniens. La main-d'œuvre engagée dans ce créneau, laquelle est à dominante féminine, se trouve exposée à plusieurs maladies dont certaines sont graves, comme la tumeur cérébrale, la leucémie, le saturnisme ( le taux de plomb dans le sang ), les irritations ophtalmiques et autres, respiratoires, l'infertilité ainsi que les troubles musculo-squelettiques. « Selon les données publiées par la Cnam et relatives à 2016, le nombre des accidents de travail recensés s'élève à 38.045 dont 6,6% enregistrés dans l'industrie électrique. Cette dernière s'accapare de 9,5% des maladies professionnelles », inique M. Srasra. Le danger d'exposition et de manipulation des produits électriques et électroniques par le consommateur n'en demeure pas moindre. Les ondes électromagnétiques oscillant entre 900 et 1.800MHZ représentent un sérieux danger pour les enfants et risquent de leur causer des séquelles irréversibles. Outre son impact direct sur la santé, ce domaine d'activité haut en risque affecte sensiblement l'écosystème, et ce, en raison de sa lente décomposition. La fin d'un cycle de vie d'un produit électronique s'étale sur des siècles, voire des milliers d'années. En dépit de sa nocivité, ce domaine prospère dans notre pays comme dans le monde, et ce, conformément à une demande en perpétuelle croissance. Il est bon à savoir que l'industrie électrique et électronique tunisienne compte quelque 372 entreprises, lesquelles emploient 87 702 personnes. M. Srasra souligne que 89% des entreprises sont exportatrices et 96 % chargent plus de dix personnes pour assurer l'activité relative aux composants électroniques. Fleurissant, ce secteur demeure, néanmoins, marqué par des lacunes persistantes, dont l'absence d'une réglementation spécifique, l'irrespect des règles de l'hygiène ainsi que des conditions appropriées à ce travail. Pourtant, le Code du travail met chaque employeur face à ses responsabilités, celles de garantir les moyens de prévention, de protection contre tout risque susceptible de nuire à la santé des employés et de veiller sur l'information et la sensibilisation du personnel quant aux risques qu'il encourt, ce qui fait défaut. 100 mille tonnes de DEE par an ! Autre hic, voire autre conséquence qui implique la mise en place de mesures et de dispositifs nationaux à même de réduire l'impact nocif des produits chimiques sur l'environnement : les déchets électriques et électroniques ( DEE ) s'élèvent, selon Mme Amel Guinoubi, responsable de la gestion des DEE à l'Anged, à 100 mille tonnes par an. Or, seules quelque 6,5 mille tonnes sont collectées et traitées annuellement par les 17 sociétés privées et autorisées à cet effet. Les gisements des DEE ne sont autres que les ménages (46,84%), suivis des distributeurs (21,19%) et des producteurs (15,82%). Certes, l'Anged, en collaboration avec les 17 sociétés pré-indiquées, s'active afin d'assurer la gestion des DEE. Cependant, et face aux flux importants des DEE et aux manques de structures spécialisées, il devient indispensable de miser sur la sensibilisation des producteurs des DEE. Aussi, un décret d'application d'une écotaxe est-il, actuellement, en cours de promulgation. Les manches se retroussent, par ailleurs, pour instaurer un système public de récupération des DEE, lequel sera supervisé par l'Anged. Notons qu'un projet pilote de coopération tuniso-coréenne a permis l'instauration, en 2016, d'un nouveau centre de recyclage des DEE à Borj Chékir.