Entre Mounir Ben Slimane, l'ex-président de la Ftvb, et le volley-ball, c'est d'une idylle longue de plus de trente-cinq ans qu'il s'agit. L'ancien volleyeur de l'Etoile Sportive de Radès est, avec feu Hassine Belkhoja (Zizi), Béchir Louzir, Mohamed Ali Fareh et bien d'autres dirigeants et responsables, l'une des icônes de la fédération tunisienne de volley-ball. De 1980 à 2016, il a gravi les postes de commandement au sein de la fédération jusqu'à en devenir le président pour un bail de huit ans (de 2009 à 2016). Du coup, il est l'une des personnes les mieux indiquées pour nous parler du volley-ball tunisien, de l'élite nationale et de la dernière et piètre prestation de l'équipe nationale lors du championnat du monde qui s'est déroulé récemment en Italie. Propos Alors Si Mounir quel lien vous reste-t-il avec le volley-ball depuis que vous avez quitté votre poste de président de la FTVB? Eh bien, je suis toujours dans le monde du volley-ball de par mes deux activités actuelles en tant que vice-président de la Confédération africaine de volley-ball et en tant que membre de la commission juridique de la Fédération internationale de volley-ball (FIVB) (étant également détenteur d'une licence en droit). Mon amour pour cette discipline sportive m'interdit de couper les ponts avec elle. N'y allons pas par quatre chemins, que pensez-vous de la décevante participation de notre «six» national au dernier championnat du monde qui a pris fin hier en Italie? Franchement, c'était dur à supporter. Perdre tous nos matches (5 au total) en ne remportant que deux sets et en encaissant devant les USA le pire écart (25-6) jamais enregistré dans les annales de cette compétition auparavant, cela prouve que le niveau de notre équipe nationale était loin de la dimension mondiale. En témoigne aussi notre classement final puisque nous avons terminé à l'avant-dernière place (23e) devant la très modeste République Dominicaine. A rappeler que l'Egypte, la deuxième équipe africaine, a terminé en dix-septième position, bien que la Tunisie soit la championne d'Afrique en titre. C'est à la fois paradoxal et très significatif. «Une préparation bâclée» Que voulez-vous dire par «significatif» ? En effet, il est inadmissible d'être le champion du continent et de se classer à plusieurs longueurs derrière son dauphin en Coupe du monde. Ce paradoxe trouve son explication dans le fait que notre équipe nationale n'a pas fait la préparation qu'il fallait pour le grand événement mondial suivi par les férus des quatre coins du monde. Notre équipe nationale actuelle a été formée depuis 8 ans en passant par les catégories «cadets», «juniors» et «seniors». En 2013 et en 2015, elle était vice-championne d'Afrique et en 2017 elle était championne. Elle est en plus composée de joueurs très valables. Seulement la mauvaise préparation ou plutôt l'absence de préparation qui lui a été inexplicablement «réservée» est logiquement derrière ce fiasco pénible. Qu'est-ce qui vous fait dire cela ? Il y a d'abord la première alerte qui a été donnée à l'occasion des derniers Jeux méditerranéens d'Espagne (mai/juin 2018) au terme desquels nous avons terminé en cinquième place. Depuis, rien n'a été fait pour rectifier le tir. Nous avions au moins deux mois pour réparer le championnat du monde en prévoyant des stages copieux et des matches amicaux contre de bons sparring-partners. Rien de cela n'a été fait. L'équipe nationale a presque chômé depuis. Le pire dans cette situation, c'est que depuis mon départ de la Ftvb, le poste de directeur technique national est devenu vacant. Ce fut, à mon avis, la grande aberration ayant engendré la désillusion d'Italie. On avait pourtant la possibilité de gagner nos deux matches contre l'Australie et le Cameroun (qui nous a battus 3/0), de passer au deuxième tour de cette prestigieuse joute mondiale et de rééditer le même coup qu'en 2006. «Le DTN, pierre angulaire de la Ftvb» Risquons-nous de perdre notre suprématie à l'échelle africaine ? Si on va continuer à négliger la préparation pour les grands événements ainsi que le rôle très important du directeur technique national que je considère comme la pierre angulaire de la fédération, c'est normal qu'on va perdre du terrain. Surtout avec l'arrivée de beaucoup de nations qui travaillent d'arrache-pied et avec beaucoup de sérieux pour développer leur volley-ball, à l'instar du Cameroun, du Maroc, du Rwanda, de l'Algérie, du Nigeria et du Kenya spécialement. Notre volley-ball doit sa notoriété aux formateurs tchèques, bulgares et yougoslaves qui ont passé le témoin durant les années 60 et 70 aux illustres entraîneurs, formateurs et DTN qu'étaient les Hassine Belkhodja (Zizi), Réchid Bey, Béhi Wael, Salah Barkia, Mohamed Bouhamed, Hassen Ben Cheikh, Moncef Ben Soltane, etc. Après ces gens-là, il y a eu un court passage à vide avant que les choses ne s'améliorent tangiblement de nouveau avec la venue d'une pléiade de formateurs qui travaillent actuellement et qui donnent satisfaction avec nos élites et au sein des clubs dans toutes les catégories. «Mais nos volleyeurs ne sont pas exportables» Et qu'en est-il de nos volleyeurs désireux d'évoluer sous d'autres cieux. Quel en est l'empêchement? Il n'y a pas d'empêchement réglementaire à ce propos. Il y a seulement le fait que la concurrence avec les joueurs des pays de l'est est féroce. Elle ne permet pas à nos volleyeurs de prendre facilement leur place sur le plan européen en raison du niveau nettement supérieur des concurrents de l'est, dont le passage dans les autres clubs européens est très facile. Nous avons eu des exceptions avec Noureddine Hfaïedh et Wassim Ben Tara (Chaumont) par exemple. Mais c'est l'exception qui confirme la règle. Nous avons aussi des joueurs capables de jouer en Europe comme Ali Bangui (CSS), Hamza Nagga (ESS) ou Khaled Ben Slimane (EST), mais ils préfèrent continuer leur expérience avec leurs clubs tunisiens, faute d'opportunités matériellement intéressantes. En conséquence, nos volleyeurs ne sont pas vraiment exportables. «Il faut soutenir davantage les clubs formateurs» Comment jugez-vous la compétition locale et le niveau de la formation au sein des clubs? Je pense qu'il y a lieu de penser à augmenter le nombre des clubs des première et deuxième divisions pour aguérrir au mieux nos volleyeurs. Et en ce qui concerne la formation, j'insiste sur la nécessité de soutenir davantage les clubs formateurs qui vivotent à peine. Des clubs comme le COK, l'USTS, le CSHL, l'ESR ont besoin d'être épaulés pour leur permettre de continuer à nous donner des joueurs de qualité comme ils l'ont toujours fait par le passé. De son côté, la Ftvb doit revenir sur sa décision se rapportant à l'obligation au «repos forcé» de 4 ans pour tout joueur désireux de changer de club. Car l'une des providientielles missions des petits clubs consiste à pourvoir les grands clubs en jeunes joueurs prometteurs. Il ne faut pas barrer la route à ces jeunes talents en brisant leur rêve et en empêchant leur vraie éclosion. Avant, il y avait une vraie symbiose fructueuse entre les clubs formateurs (par excellence) et ceux recruteurs de volleyeurs au talent confirmé. Comment envisagez-vous le redressement de la situation en général pour notre volley-ball ? La situation de notre volley-ball n'est pas problématique. Nos élites, toutes catégories confondues, dominent la scène continentale et arabe. Mais on peut quand même mieux faire vis-à-vis de la stature mondiale. On doit accorder beaucoup plus d'intérêt à la formation et au perfectionnement de nos encadreurs en faisant appel aux lumières des notoires formateurs réputés à l'échelle mondiale. Des passages sporadiques et fréquents d'une semaine quelquefois par an ne peut que mettre au diapason nos entraîneurs avec les nouveautés naissantes de la discipline sur tous les plans : technique, tactique et physique. Mais la première des choses à faire reste à mon sens le désignation impérative d'un directeur technique national qui bénéficie de l'unanimité. Ce dernier doit être libre dans ses choix et sa méthode de travail. Ses directives doivent permettre à notre volley-ball d'avancer car, aujourd'hui, nous risquons de faire du surplace.