L'Institut de traduction de Tunis s'est attaqué à une thématique des plus cruciales pour la recherche sur les arts. Il s'agit de «La traduction de la terminologie des arts», sujet d'un colloque qui s'est tenu à l'institut et qui a inauguré sa nouvelle saison, organisée en partenariat avec le Centre des musiques arabes et méditerranéennes, Ennejma Ezzahra. La séance inaugurale, placée sur le thème «Un peu de chaque art», a donné le ton. Quant à la séance de clôture, elle a été consacrée au 7e art avec des interventions autour de la traduction du lexique cinématographique. Les intervenants ont relevé les enjeux de la traduction appliquée au cinéma, au vu de la particularité de cet art où la nouveauté technologique ne tarde jamais à arriver, lançant un défi de taille à ceux qui manipulent le langage lié au cinéma, entre réalisateurs, critiques et chercheurs. Le Libanais Elie Yazbek, le premier à être intervenu vendredi dernier,porte justement toutes ces casquettes, étant chercheur en études cinématographiques, dramaturge, metteur en scène et vidéaste. Dans son intervention, il s'est intéressé aux enjeux de la réception. Les spécificités culturelles des publics peuvent en effet conditionner les choix de traduction. Surtout quand il s'agit de télévision, qui s'adresse à une masse de tous âges et profils, placés quand même sous l'étendard commun de la culture arabe. Elie Yazbek donne l'exemple des mangas qui, pour être traduits et doublés en arabe ou en dialectal, sont parfois complètement modifiés. Ainsi, un manga où les deux héroïnes sont deux filles vivant en colocation, a été transformé dans le processus de traduction pour devenir l'histoire d'une mère et sa fille, une version jugée plus adaptée aux mœurs du monde arabe. Dans un autre registre, le scénariste et enseignant tunisien Tahar Ben Ghedifa, a relevé la difficulté que pose la multitude de traductions en arabe pour le même terme cinématographique, du point de vue de l'enseignement du cinéma.Les traductions varient et ne correspondent parfois pas parfaitement au sens de départ, ce qui rend leur transmission délicate et sujette à l'arbitrage personnel. Ce qui nous mène à un aspect important de «la traduction de la terminologie des arts», ici le cinéma, celle de l'uniformisation des traductions. Selon les intervenants, c'est encore loin d'être le cas. Les écoles de traduction, comme les écoles syrienne et égyptienne proposent différentes variations d'un même terme. Le problème se pose parfois dans un même ouvrage, explique l'intervenant suivant le chercheur et cinéaste égyptien Naji Ouadid Faouzi, qui se penche en ce moment sur un ouvrage dédié à la question. L'un des défis qu'il rencontre dans cette entreprise est la rapidité avec laquelle la technologie évolue et de nouveaux termes émergent, appelés à être traduits. La traduction n'est toujours pas aussi rapide que cette évolution, ce qui mène parfois à une «traduction paresseuse». Ce point a été relevé par le dernier intervenant dans la partie consacrée au cinéma, le chercheur et traducteur tunisien Lassaâd Ben Hassine. Pour lui, la traduction est appelée à évoluer en parallèle avec l'évolution de la technologie et des pratiques cinématographiques, rappelant que la traduction existe principalement parce que le monde arabe n'est pas producteur de cette technologie. Se l'approprier par la langue et la traduction reste un enjeu non encore garanti, tout comme l'est aussi l'enjeu de se l'approprier par le faire filmique.