Pour la première fois, un tournage muni d'une autorisation du ministère des Affaires culturelles est arrêté. Trois coups de canif portés au cinéma tunisien. Inadmissible ! Une première dans l'histoire du cinéma tunisien. Un tournage qui s'arrête par la décision d'un gouverneur alors que le film dispose d'une autorisation de tournage de la part du ministère des Affaires culturelles. Il s'agit du film «Le fils» de Mehdi Barsaoui dont le tournage s'est arrêté par décision du gouverneur de Kébili. Trois coups de canif sont portés à l'image du cinéma : la souveraineté de l'autorisation de tournage, la liberté de tourner une fiction somme toute qui n'est pas une réalité, et surtout le marché de la Tunisie comme terre de tournage qui souffre déjà d'une grande hémorragie après la révolution. Motif : dans le film il y a une scène où on enlève le drapeau tunisien pour le remplacer par celui de «Daech». Mais il s'agit tout simplement d'une fiction qui pourrait au contraire une fois le film achevé contribuer à l'éveil de l'esprit de toute une génération et la sauver des griffes de la nébuleuse islamiste. D'autant plus qu'on imagine mal qu'un réalisateur tunisien et son producteur iraient faire un film qui fait l'éloge de «Daech» ! Voici un obstacle auquel nous faisons réellement face en Tunisie : plusieurs décideurs ont du mal à faire la différence entre fiction et réalité. Force est de croire que nous avons une urgence à les rassembler pour leur expliquer ne serait-ce que durant un séminaire d'une journée l'importance de l'image pour le pays et celle du cinéma en tant que médium ainsi que ces différents genres. Ce que nous comprenons de prime abord, c'est que le gouverneur a réagi par orgueil national et c'est compréhensible, mais la question qu'on se pose c'est pour quelle raison il n'a pas compris qu'il s'agit d'une fiction. Les intentions seraient-elles plus profondes qu'elles ne sont déclarées ? Notons que le tournage du film se passe dans la région de Ksar Ghilane dans une partie désaffectée et loin des habitations. Pas de risque donc pour la sécurité de la région. Quelle était la réaction des autorités tunisiennes des Affaires culturelles ? Selon le producteur Habib Attia, il n'y a eu aucune réaction officielle à ce jour, alors que celui-ci a fait appel aussi bien au ministère des Affaires culturelles qu'à la présidence de la république. Ainsi, le tournage de ce film reste-t-il suspendu alors qu'il y a des acteurs internationaux qui y figurent comme Sami Bouagilla par exemple. Voici un précédent grave qui constitue une première fissure dans la cuirasse de notre industrie cinématographique embryonnaire. Après cela, plus personne n'aura peur d'arrêter le tournage d'un film en Tunisie pour un caprice idéologique ou une phrase qui lui déplaît dans un scénario avalisé par toute une commission de professionnels et doté d'une autorisation. Voilà ce qui fait froid dans le dos !