Par Jalel Mestiri La notion de dualisme n'est pas nouvelle en économie du sport tunisien. Depuis des années, l'on ne manquait pas de la considérer comme étant l'une des principales singularités du football tunisien. Cette idée, qui autrefois manquait de validité empirique, distingue aujourd'hui les clubs aux gros budgets de ceux qui manquent de ressources, et particulièrement de bailleurs de fonds et d'investisseurs. La différenciation a pris désormais une nouvelle signification. Elle touche même ce qu'on appelle communément les grands clubs, au moment où certains sont frappés au sceau des dépenses démesurées et effrénées. Le salaire d'un footballeur peut dans certains cas atteindre 10 fois celui d'un salarié ordinaire. Certes, la carrière d'un footballeur est, d'après les statistiques et les chiffres qui ne trompent point, quatre fois moins longue, ce qui ramène à un facteur compromettant le ratio entre paye du footballeur et paye de son anonyme spectateur. Un footballeur gagne sur sa courte carrière (10 à 12 ans) le double de ce qu'aura gagné un professeur de l'université en 35 ans, bien sûr si ce dernier parvient au sommet de la hiérarchie universitaire. Et si on pousse encore l'analyse, l'on remarquera que l'utilité sociale, celle à laquelle s'identifie le footballeur, est parfois plus captivante que celle qui fait la raison d'être de beaucoup d'autres métiers. Le football n'est plus ainsi une référence de jeu et de terrain, mais plutôt de rémunération et de compte bancaire. La plupart des clubs tunisiens sont aujourd'hui confrontés à d'énormes difficultés, notamment pour assurer les salaires de leurs joueurs. Et là, nous n'évoquons pas les primes de rendement non honorées. Ce qui a poussé des joueurs à protester et à revendiquer leur droit sous plusieurs formes de contestations. Lorsque l'on soulève le couvercle de notre championnat, l'on ne peut se retenir devant la vertigineuse progression des salaires des joueurs et le recours souvent incontrôlé au recrutement des joueurs étrangers. L'émergence, mais surtout l'accentuation, d'un dualisme sur le marché a engendré deux catégories. Celle des stars et celle des joueurs, certes professionnels, mais ordinaires. Les contraintes de résultats et l'intensité sportives ne doivent pas faire oublier la réalité économique et sociale du pays. Il est désormais plus que nécessaire d'imposer une limite aux salaires des joueurs, parce qu'on aura toujours affaire à des hommes et à des pratiques qui pourraient inciter à trouver d'autres formules de transactions forcément douteuses. Face à un certain dérèglement et une certaine intempérance, il serait grand temps d'installer une nouvelle politique relative au plafonnement des salaires et au recrutement des joueurs étrangers. Cela va sûrement se répercuter sur le niveau de rémunération loin de ce que touchent actuellement certains joueurs, avec des revenus mensuels raisonnables et des procédures de transferts de joueurs pondérées et réfléchies. Le but est d'assurer un certain équilibre pour que l'accroissement exponentiel de l'argent circulant dans le football ne puisse pas masquer une autre réalité…