De nos jours, avoir un enfant n'est pas une décision à prendre à la légère, puisqu'on ne manquera pas de nous avertir : c'est un investissement financier considérable. Pourtant, le nombre de naissances par an en Tunisie continue d'augmenter. En 2010, l'INS recense 196.000 naissances, 207.900 en 2012 et 225 900 en 2014. Le taux de fécondité a augmenté de pair: en 2010, il était de 2,13 enfants par femme, mais en 2014, le taux a augmenté de 0,3 point, soit 2,5 enfants par femme. Pour le Tunisien moyen, avoir un enfant est — par tradition — d'une grande importance et transcende toute rationalité. Toutefois, entre les habits, les couches, le lait en poudre, les biberons et autres nécessités, la première année d'un nouveau-né est souvent très coûteuse. Il (ou elle) a tout d'un(e) grand(e) ! «Je dois avouer que tout le monde ne peut pas acheter tout ce qui est couches, lait en poudre, tire-lait, etc. en magasin, ou en pharmacie, voire en acheter tout court». explique Fatma, 34 ans, architecte et maman d'une petite fille. «Pour Lina, j'achetais des couches toutes les semaines, surtout les premiers mois, puisqu'elle n'était qu'au lait et du coup je la changeais 4 fois par jour». En pharmacie, le paquet de couches coûte au moins 14 dt. Au supermarché, il se vend entre 11 et 12 dt, une dépense régulière dont il n'est pas possible de se passer. «Je me suis toujours demandé si les femmes au foyer ne dépensaient pas moins que moi (rires)», raconte Lilia, médecin généraliste de 37 ans. «Je me suis posé la question parce que, dans mon cas, j'ai introduit le lait en poudre à mon petit garçon après 2 mois. Je devais reprendre le travail et pour que ma mère puisse le garder, il fallait absolument qu'il accepte le biberon. Au début, je tirais mon lait puis après je n'avais même plus le temps de le faire». Le lait en poudre est un luxe qu'une certaine strate de la société tunisienne peut s'offrir sans trop y penser, puisqu'il coûte entre 16 et 24 dt. «Je me souviens, j'achetais les boîtes de lait 2e âge (6 à 12 mois) par cartons de 8, et il se vidait à une vitesse incroyable. Sans oublier l'achat des biberons dont le prix du moins cher s'élève à 8 dt», raconte Fatma. «Beaucoup de parents viennent acheter des compotes et des farines de blé pour leurs bébés», explique Tarek, pharmacien. «En pharmacie, on les vend entre 6 et 8 dt. A partir de 4 mois, les parents peuvent commencer à introduire la nourriture un peu plus solide à leurs enfants. Après, il faut toujours garder en tête que les pharmacies sont plus chères puisque les supermarchés achètent en gros». Mais l'alimentation n'est pas la seule à prendre en compte. Le bien-être du bébé passe aussi par les vêtements et les produits d'hygiène et de soin. Le shampoing doux, neutre, par exemple, s'achète en moyenne une fois par mois, et le prix avoisine les 17 dt. «Les plus grosses dépenses restent les poussettes, les chaises hautes, le siège-auto… dont les prix les plus bas varient entre 70 et 150 dt, mais au moins, ceux-ci sont des objets qui s'utilisent assez longtemps», assure Lilia. Quel budget prévoir pour une puériculture moyenne ? Mais si des parents désirent s'offrir la moyenne gamme en matière de puériculture, la donne change. Ils se retrouvent alors confrontés à une montagne de dépenses, qui peuvent peser dans la balance mais qui restent élémentaires pour un nourrisson. Nous nous sommes adressés à Saoussen B.R, propriétaire de deux grands magasins spécialisés en produits pour bébés. Que peut donc s'offrir un couple tunisien issu de la classe moyenne et combien coûteraient ces achats ? «Il faut noter que les dépenses vont de pair avec la classe sociale dont sont issus les parents, et de nos jours, la moyenne reste plutôt abordable», précise Saoussen. «Le trousseau pré-accouchement (contenant serviettes hygiéniques, gel douche, lait de corps et serviettes de bain) est estimé à 350 dt, voire plus. La petite puériculture — qui consiste à posséder un lit, un tour de lit, des couvertures, des draps et éventuellement un mobile musical — est estimée à 1.000 dt. La chaise haute, la poussette, le siège-auto, qui représentent la grande puériculture, varient entre 500 et 1.000 dt. Quant aux dépenses quotidiennes, comme les couches et le lait en boîtes (entre autres), elles s'élèvent à 150 dt par mois au minimum», conclut la jeune femme. Mais qu'en est-il des vaccins ? Un nouveau-né doit bénéficier d'une série de vaccins indispensables, dès la naissance, et jusqu'à l'âge de deux ans. Dr Salem Sahli, pédiatre, précise que certains vaccins, tels que la tuberculose, doivent être effectués dès la naissance. Le BCG est à 25dt. Il est vacciné simultanément avec celui de l'Hépatite B, estimé à 2dt. Le Pentaxim coûte 60 dt. Il s'agit d'un autre vaccin administré à deux, à trois et à six mois, qui sert à lutter contre cinq fléaux qui sont «la diphtérie, le tétanos, la coqueluche, la poliomyélite, et contre un cinquième germe particulièrement virulent connu sous l'appellation "Haemophilus Influenzae"», assure le pédiatre. Arrivé à l'âge d'un an, place au vaccin contre la rubéole et la rougeole, estimé à 25 dt. Quant au dernier vaccin attribué à l'âge de 18 mois, il s'agit d'un «tetraxim» de prévention contre la polio, le tétanos et la diphtérie. Son prix est à 35 dt. Quelques vaccins restent bien évidemment facultatifs, mais un seul en particulier est fortement recommandé, celui qui sert à lutter contre «le pneumocoque». Cette bactérie virale peut être la cause de handicap et de méningite chez un enfant âgé de moins de deux ans, voire plus. Trois injections sont donc nécessaires pour ce vaccin, dont chacune coûte 150 dt. «La plupart ne le font pas. Seules les familles aisées peuvent se le permettre, vu son prix très élevé», déclare Dr Sahli, qui mentionne que le coût de la visite chez un pédiatre va de 40 à 50 dt ou plus. Estimer le coût d'un bébé n'est pas facile, puisqu'il varie considérablement d'un foyer à un autre. Si l'on réfléchit bien, les réelles dépenses ne sont pas monétaires, mais physiques. Avoir un enfant, c'est se consacrer corps et âme, assurer son bon développement, son confort et sa sécurité. L'argent ne compte plus réellement et devient même obsolète, bien que d'une extrême importance pour les familles plus modestes, qui se tournent vers la fripe et ne peuvent pas se permettre le luxe de bon nombre d'accessoires.