Mseddi : nous avons lancé une pétition appelant le président à ordonner la déportation des migrants    Donald Trump bénéficiera : Un milliard de dollars d'actions supplémentaires de son groupe de médias    Actuariat – Hatem Zaara: Un rapprochement banques-assurances s'impose    Ultimatum législatif aux Etats-Unis : TikTok doit être vendu sous un an ou disparaître !    Campagnes controversées en Turquie : retrait des enseignes arabes des commerces    Affaire de complot contre la sûreté de l'Etat : l'interdiction de traitement médiatique reste en vigueur    Sousse : Arrestation de deux adolescents pour un braquage armé d'un étudiant en médecine    Tempête de sable en Libye : perturbations majeures et jours fériés décrétés    Météo: Sortez vos parapluies, le temps s'annonce gris et pluvieux    One Tech Holding : les indicateurs d'activité relatifs au premier trimestre 2024    Isie, Kamel Letaief, Ghazi Chaouachi et Ridha Belhaj… Les 5 infos de la journée    Tunisie – Cinq ans de prison pour un ex-magistrat révoqué    Série de mesures pour assurer le retour des Tunisiens à l'étranger    Anne Gueguen sur la guerre à Gaza : la France œuvre pour une solution à deux Etats !    Ministre de l'économie et de la planification : « Le Gouvernement Tunisien est déterminé à soutenir l'industrie aéronautique »    Présidentielle : l'ISIE officialise les conditions, beaucoup de candidats vont tomber de très haut    Bénin : Le président Talon tient ses promesses, S&P relève la notation de crédit au même niveau que la 1e économie d'Afrique    Tunisie: Désormais, 24 mosquées arborent le nom de G-a-z-a en signe de solidarité avec la cause palestinienne    La méditerranée, un cimetière pour les migrants Tunisiens    La Tunisie et l'Italie renforcent leurs liens militaires    Festival International de Théâtre au Sahara : 4ème édition du 01 au 05 mai 2024 à kébili    match Al Ahly vs MS Bousalem : live de la finale du Championnat d'Afrique des clubs    Pluies abondantes et chute brutale des températures pour les prochains jours    Maghreb : 36 ans après, les dirigeants n'ont toujours rien compris    Le développement annuel des institutions touristiques est en progression    Observatoire National du Sport – 9e congrès international : Les activités sportives entre la recherche scientifique et la réalité du terrain    Initiative « CFYE» en Tunisie : Création de 10.000 emplois décents et stables    ISIE : Pour la crédibilité et la transparence des élections    Crédits octroyés par les caisses sociales : Un réel engouement pour les prêts personnels    La CIN et le passeport biométrique attendus à partir du premier semestre de 2025    Les Indiscretions d'Elyssa    Nouvelle parution – «Al awj al facih» de Kamel Hilali, Sud Editions : Révélations et absences...    Aïd Al Adha : Le prix des moutons atteint des sommets à 1 500 dinars    Séance de travail avec des experts chinois sur la rénovation du Stade d'El Menzah    Le CA écarte l'USBG et prend le grand huit : Au bout de l'effort    Ons Jabeur coachée par Verdasco à Madrid : Dur, dur, mais...    Un pôle d'équilibre nécessaire    Dans un périple exploratoire et promotionnel pour les Chefs de Missions Diplomatiques accrédités en Tunisie : Les diplomates et leurs épouses découvrent le potentiel historique, civilisationnel, écologique et économique du Nord-Ouest tunisien    Chute de mur à Kairouan : Le tribunal rend son jugement    Hommage à Bayrem Ettounsi dans le cadre de la Foire Internationale du livre de Tunis 2024    La galerie A.Gorgi propose une nouvelle exposition collective intitulée "Moving Figures"    Top 5 des pays arabes producteurs de riz en 2023/2024    Olivier Poivre d'Arvor présente à Al Kitab son dernier ouvrage « Deux étés par an »    Le fondateur de Tunisie Booking, Khaled Rojbi décédé    Top10 des pays africains par nombre de millionnaires en 2024    Béja: 1200 participants au semi-marathon "Vaga Run" [Photos+Vidéo]    Ali Zeramdini : la menace terroriste doit être au centre du sommet entre la Tunisie, la Libye et l'Algérie    Au Palais d'Ennejma Ezzahra à Sidi Bou Saïd : La romancière Kénizé Mourad raconte les souffrances d'un peuple spolié de ses droits    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



De la recherche du sens à l'épreuve de l'absurde
Philosophie et psychanalyse
Publié dans La Presse de Tunisie le 02 - 11 - 2018


Par Raouf SEDDIK
Avant Hegel, Kant pose la nécessité pour l'homme de donner un sens à l'Histoire universelle. C'est le thème de la troisième Critique, relative à ce qu'il appelle la « faculté de juger ». Car lorsqu'il s'agit de sens, et non pas d'objet à connaître, la faculté engagée n'est ni la raison théorique ni la raison pratique, mais la faculté de juger, qu'on retrouve également dans l'art : face à une œuvre d'art, on juge du beau, selon un jugement dont la valeur est universelle bien que subjective.
La manière dont Kant conçoit que l'homme donne un sens à l'Histoire correspond à une certaine déchristianisation. Ce qui n'est peut-être pas étranger au fait que l'Europe de son époque s'éveille à l'idée que le monde ne se résume pas à la chrétienté, et que le «nouveau monde» n'est pas nécessairement une province appelée à rejoindre la chrétienté comme seule condition de sa sortie de la barbarie. Déjà l'intérêt pour la Chine s'était fait sentir dont Leibniz portait la marque. Plus tard, on assistera à un véritable engouement pour l'Inde, dont Schopenhauer est une illustration… Bref, la sagesse n'est pas qu'européenne, et les philosophes européens doivent traduire cette idée dans leur œuvre. Mais nous disons bien une « certaine » déchristianisation : le Dieu par qui l'Histoire révèle son sens est le même que celui qui dirige la communauté des êtres raisonnables, communauté à laquelle le sujet renouvelle l'acte de son appartenance chaque fois qu'il se conduit selon la loi morale, c'est-à-dire en homme libre répugnant que sa volonté se soumette à une loi tirée hors d'elle-même. Et ce Dieu qui dirige la communauté des hommes libres, par-delà la frontière de leurs cultures respectives, c'est lui-même dont le visage est révélé par la figure de Jésus-Christ. Le personnage central de la religion chrétienne est divin dans la mesure où il incarne, dans sa perfection, l'idéal ou le prototype de l'homme libre. La centralité du christianisme est rétablie, moyennant une redéfinition – morale – de la divinité du Christ, qui l'éloigne des dogmes de l'Eglise et de la tradition.
L'Histoire et l'homme crucifié
Mais nous avons vu qu'avec Hegel, nous assistons à une nouvelle déchristianisation. A vrai dire, le mot Dieu lui-même est écarté quand il s'agit d'envisager ce qui conduit l'Histoire et lui donne sens. Hegel parle alors d'Esprit, en suggérant une unité spirituelle entre la puissance agissant dans l'Histoire — en rusant par-delà les normes de toute morale humaine — et la raison de l'homme philosophant. La déchristianisation réside en ce que l'Esprit est conçu comme agissant bien au-delà de l'histoire qui est celle de la chrétienté. D'autre part, le sujet qui prend part à travers le travail de sa pensée à l'accomplissement de l'Histoire — ce qui revient à lui donner un sens absolu — se déleste en même temps de tout enseignement proprement chrétien. Mais, là encore, le christianisme n'est pas totalement éconduit. Et Hegel s'efforcera d'ailleurs de lui refaire une place dans sa pensée. De deux façons. Une première, positive, qui consiste à reprendre l'image de la souffrance du Christ sur la croix pour l'appliquer au temps. Le travail du négatif dans la dialectique de l'Histoire est une expérience de souffrance que l'homme exprime à travers la figure de la crucifixion. Il n'y a pas d'unité de l'homme avec l'Esprit universel qui gouverne le monde sans une ouverture à la souffrance du temps — temps de l'enfantement —, dont le comble est la mort et dont le symbole est la mort sur la croix. A cette christianisation de l'Histoire s'ajoute une lecture des différentes civilisations qui redonne sa primauté à celle qui est issue du christianisme. C'est la seconde façon, négative, de redonner une centralité à la référence chrétienne, par marginalisation des autres religions dans la marche de l'Histoire universelle. On trouvera des considérations sur ce thème dans la Raison dans l'Histoire.
On sent bien pourtant que le point de vue du christianisme traditionnel est complètement bouleversé, et Soeren Kierkegaard ne s'y trompe pas, qui dénonce chez Hegel une relation de l'homme à Dieu d'où le thème du péché et du salut a été évincé.
On retrouve cependant, chez Kant comme chez Hegel, un engagement à donner du sens à l'Histoire qui, au-delà de ses différences, se traduit par un certain désaveu du savant, de l'homme théorique tout occupé à éplucher le réel et croyant à travers son activité dégager un sens du monde. Le passage de la connaissance théorique au jugement chez Kant et au savoir absolu de la philosophie chez Hegel marque une même volonté d'accéder au niveau du sens, dont l'absence ouvre soudain la porte de l'absurde comme on ouvre un abîme.
Un nouveau venu : la phénoménologie
Avec Schopenhauer et Nietzsche, cette pensée se précise et l'expérience de l'absence de sens devient primordiale. Le premier y répond par une sorte de consentement, faisant rimer lucidité et résignation, tandis que le second y aperçoit une sorte de défi à l'homme afin qu'il insuffle du sens à partir de ses seules ressources… Et toute l'histoire de la philosophie est revisitée par lui en fonction de cette tâche, la recherche d'une vérité du monde — ambition des toutes premières entreprises métaphysiques de Platon et d'Aristote — étant sévèrement jugée comme un manquement, une manière de chercher à se dérober à l'expérience de l'abîme. La vérité est qu'il n'y a pas de vérité, mais seulement du sens que l'homme doit arracher à la profondeur de la nuit : c'est la tâche du surhomme !
Quant à l'homme théorique — dont nous avons dit la semaine dernière que Freud en est finalement un représentant —, il est lui-même une manifestation de la pathologie de la civilisation occidentale. Sur ce point, en pareil diagnostic, il sera rejoint par un penseur majeur du début du siècle dernier — Edmund Husserl — pour qui la civilisation européenne est malade de sa science, parce que cette dernière est désormais facteur de morcellement, de désagrégation du sens.
Nous verrons la prochaine fois comment Husserl, fondateur de la phénoménologie, apporte à sa manière une réponse à la question de l'absurdité du monde, en conférant à la démarche philosophique une autre approche du réel, et comment la phénoménologie va elle-même ouvrir des voies nouvelles à la psychanalyse, dont le nom de Ludwig Binswanger est une des plus connues.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.