Le remaniement ministériel décidé par le chef du gouvernement sans, semble-t-il, consulter le président de la République, n'a pas manqué de faire réagir les élus de la majorité et de l'opposition. La gauche accuse notamment Chahed d'avoir complètement avantagé Ennahdha, avec pour seule ambition les élections de 2019. Ennahdha s'en défend et rappelle que Nida Tounès est toujours au gouvernement. Abdellatif Mekki (Ennahdha) : «J'invite ceux qui disent que c'est un gouvernement nahdhaoui à mieux regarder sa composition» Le remaniement est un acquis pour le mouvement Ennahdha et aux autres parties qui ont défendu l'idée d'un remaniement partiel tout en gardant la stabilité gouvernementale. Ennahdha n'a pas imposé des critères partisans mais des critères d'ordre national. Certains ministres qui ne sont pas parvenus à faire avancer des dossiers ont été remplacés. Bien évidemment, notre volonté n'a pas été appliquée à 100% mais nous souhaitions faciliter le choix du chef du gouvernement, nous n'avons pas été rigides. Il y a eu des changements dans les ministères dits "techniques" mais le choix a été fait de garder inchangés les postes ministériels à caractère sécuritaire. Je salue également le choix de René Trabelsi, membre de la communauté juive tunisienne, à la tête du ministère du Tourisme. Il y a tout de même quelques lacunes, et l'évaluation se fera à l'intérieur des institutions du parti Ennahdha. A ceux qui disent que c'est un gouvernement nahdhaoui, je les invite à mieux regarder la composition du gouvernement actuel : il n'y a pas moins de 10 ministres issus de Nidaa Tounes. En ce qui concerne la crise entre les deux présidents de l'exécutif, je crois que le chef du gouvernement n'a rien entrepris qui puisse être interprété comme un empiètement sur les prérogatives du président de la République. J'ose espérer que les réactions enregistrées hier lundi ne soient que des premières réactions à chaud. Malheureusement, l'information qui a été retenue par les médias étrangers, hier soir, est celle de la désapprobation du président de la République. Haykel Belgacem (Front populaire) : «En l'absence d'une Cour constitutionnelle, le conflit entre BCE et Youssef Chahed reste sans solution» Comme attendu, ce remaniement est marqué par une distribution des postes sur une base partisane. Ce remaniement rend essentiellement service à Youssef Chahed et au Mouvement Ennahdha. Après la rupture avec son parti, Youssef Chahed s'appuie sur Ennahdha. Je crois que le remaniement a dans son viseur les élections de 2019 et la recherche d'un positionnement. Les ministères à caractère économique, social et de développement n'ont pas été concernés par le remaniement. C'est comme si Youssef Chahed était très content de leurs prestations, alors qu'en réalité, le pays est en crise. La classe politique aux commandes est complètement déconnectée de la réalité. Elle ne pense qu'aux prochaines élections. Le différend entre le président de la République et le chef du gouvernement n'est pas nouveau. En l'absence d'une Cour constitutionnelle, ce conflit reste sans solution. Le chef du gouvernement a été très intelligent sur ce coup et a préféré ne pas toucher aux ministères qui relèvent des compétences du président de la République. En tout cas, le président de la République a fait savoir qu'il n'a pas été consulté, et cela est contraire aux usages politiques. Il est important de consulter le président de la République. C'est une autre preuve que la coalition au pouvoir, avec sa nouvelle configuration, est en rupture totale avec les préoccupations de nos concitoyens. Que ce soit à Carthage ou à la Kasbah, les protagonistes politiques visent 2019. Et dernière chose, il serait illusoire de penser qu'un gouvernement qui a échoué pendant 4 ans va parvenir en une année à renverser la vapeur. Hassouna Nasfi (Machrou Tounès) : «Il faut en finir avec les polémiques et se remettre au travail» J'espère que ce remaniement signera la fin de la crise politique. J'espère que la crise ne se transformera pas en une crise constitutionnelle et morale entre le président de la République et le chef du gouvernement. J'espère qu'on a dépassé la phase des déclarations fuitées et des interprétations en tous genres, pour arriver à la phase du travail véritable. Il faut en finir avec les polémiques. Il faut également qu'il y ait un programme de travail très clair pour ce gouvernement. D'ailleurs, c'était l'une des conditions imposées par Machrou Tounès. Le remaniement a touché des ministres qui avaient clairement échoué dans leur mission. Machrou Tounès est désormais officiellement représenté au gouvernement à travers un certain nombre de ses compétences. Nous avons décidé de faire partie de ce gouvernement pour tenter de trouver des solutions à la crise politique. La sortie de crise se fait d'abord en passant par le parlement. Le conflit entre les deux présidents ne bénéficie à personne et en premier lieu, il ne bénéficie pas au pays. Il faut laisser de côté nos émotions et réagir avec maturité. Il faut éviter les déclarations à chaud, elles ne profitent à personne. Il est important aujourd'hui de concentrer les efforts autour des pistes favorisant la sortie de la crise économique. Comment y parvenir, c'est ce que nous allons discuter au sein de la coalition gouvernementale et c'est ce qui sera annoncé par le chef du gouvernement lorsqu'il viendra présenter son nouveau gouvernement devant l'Assemblée.