On n'a pas attendu le mois d'octobre, date du retour des députés au Palais du Bardo, pour que la rentrée politique s'installe avant ses délais. Objectif commun : trouver une solution pour déloger le gouvernement actuel de Youssef Chahed ou l'obliger à abandonner «officiellement ses ambitions pour 2019» Il semble que la rentrée politique 2018-2019 a déjà démarré bien avant l'avènement du mois d'octobre prochain, date officielle de l'ouverture de la dernière session parlementaire relative au mandat législatif issu des élections législatives du 26 octobre 2014. Et l'on constate, comme à l'accoutumée, que chaque parti politique ou organisation professionnelle a choisi, à sa façon, la manière avec laquelle sa rentrée va être programmée. Ainsi, face à la création d'un nouveau bloc parlementaire appelé «Coalition patriotique» que l'on présente comme un soutien au maintien de Youssef Chahed à la tête du gouvernement, Nida Tounès a-t-il réagi en appelant, mardi 28 août, le président de la République, Béji Caïd Essebsi, «à convoquer en urgence une réunion des signataires du Document de Carthage II pour aboutir à une issue à la crise politique que traverse le pays et entamer les réformes prévues par ce document». Appeler à ce que l'initiative Document de Carthage reprenne ses réunions après plus de trois mois de la suspension du processus, le 28 mai dernier, quand Ennahdha avait décidé, contrairement à tous les autres participants, de soutenir le maintien de Youssef Chahed au Palais de La Kasbah, signifie-t-il qu'une nouvelle donne est intervenue sur la scène politique, à la lumière des décisions issues de la réunion du Conseil de la Choura d'Ennahdha l'obligeant à trancher et à exprimer clairement ses ambitions présidentielles en prévision de 2019 ? Autrement dit, pourquoi Nida Tounès a-t-il choisi ce moment précis pour demander le retour des négociations relatives au Document de Carthage qui doivent être parachevées par l'annonce de l'information tant attendue par les Tunisiens : Youssef Chahed démissionnera pour se consacrer à l'échéance électorale présidentielle de 2019 ou se maintient à la tête du gouvernement en déclarant abandonner son rêve de s'installer à Carthage ? Beaucoup d'observateurs penchent vers la réponse suivante : galvanisés par le retour des députés de Machrou Tounès au giron nidaïste pour constituer le bloc parlementaire n°1 au Palais du Bardo et ayant peut-être compris le message d'Ennahdha à Youssef Chahed comme un désaveu à ce dernier, les nidaïstes ont — semble-t-il — sauté le pas et pensent pouvoir amener cette fois Ennahdha à changer d'opinion et à soutenir le départ de Youssef Chahed de la présidence du gouvernement. Il n'est pas acquis qu'Ennahdha aura fait comprendre clairement aux nidaïstes que son soutien à Youssef Chahed a déjà vécu ou est en train de vivre ses derniers jours. Sauf qu'à lire les déclarations et les explications produites par les différents responsables nahdhaouis à l'issue de la réunion du Conseil de la Choura, on peut déduire que le sort de Youssef Chahed a été, peut-être, décidé du côté de Montplaisir. Ali Laârayedh, premier vice-président d'Ennahdha, explique au journal Essahafa Al Yom (édition du mercredi 29 août 2018) : «Il est urgent que le gouvernement se tienne à l'écart des luttes électorales. Nous ne nous adressons pas à Youssef Chahed en tant qu'homme politique ordinaire mais en tant que chef de gouvernement. Et il a l'obligation de clarifier ses ambitions personnelles». Et si les élections étaient reportées ? Du côté de l'Ugtt, on prépare aussi la rentrée que Noureddine Taboubi, secrétaire général de la centrale syndicale ouvrière prévoit chaude, notamment pour ce qui est de la nouvelle année scolaire et des négociations salariales en prévision des années 2018, 2019 et 2020, comme prévu dans l'accord-cadre signé en juillet dernier. L'Ugtt considère-t-elle qu'Ennahdha commence à retirer son soutien à Youssef Chahed et à lui dicter des conditions qu'il pourrait refuser ? Pour le secrétaire général de l'Ugtt, «il n'est pas question que le pays reste l'otage des calculs d'Ennahdha ou des ambitions de quiconque. L'essentiel est de changer le présent gouvernement, soit avec un gouvernement de compétences indépendantes, soit un gouvernement politique, mais à condition que sa mission se limite à préparer les élections législatives et présidentielle de fin 2019. Quant à ceux qui répandent l'idée selon laquelle les élections seront peut-être reportées, Taboubi leur répond : «L'essentiel est d'organiser des élections réellement démocratiques et de faire en sorte qu'on évite le faible taux de participation des municipales du 6 mai dernier».