Un air nouveau souffle sur l'Orchestre symphonique tunisien qui fête cette année son cinquantième printemps. Un chef charismatique, une prestation féerique. Une pause musique pour noyer le marasme politique. L'Orchestre symphonique tunisien donnait vendredi son concert d'ouverture de la saison 2018-2019 au Théâtre de l'Opéra de la Cité de la culture. Salle comble. Acoustique saisissante car pour une fois, on joue sans amplification et les microphones n'étaient là que pour enregistrer la soirée. Un public étonné, émerveillé par une prestation de loin supérieure à ce qu'il a l'habitude d'écouter. C'est que cette année, le bon sens a décidé que plus rien ne sera comme avant pour l'Orchestre symphonique tunisien qui, pendant cinquante ans, a bel et bien fonctionné, sans toutefois l'ambition d'aller au-delà du minimum syndical. Or vendredi, l'on a eu la confirmation du nouveau rêve de l'Orchestre symphonique tunisien : jouer dans la cour des grands. C'est que, en ce vendredi mémorable, il était dirigé par un Franco-Tunisien, le chef Fayçal Karoui qui, pour la première fois, fait son entrée sur la scène tunisienne. Ce Fayçal a un cv qui donne la chair de poule : pianiste confirmé puis chef d'orchestre international primé, de Paris à New York, en passant par l'Espagne, le Japon, le Brésil, l'Italie et nous en oublions. C'est donc sous la baguette de cette grosse pointure que le public s'est régalé de Rossini et son Barbier de Séville. De la Cinquième de Beethoven, du mouvement final de l'Ode à la joie et de Carmina Burano qui mit le feu à la salle. Stand ovation. Tiens ! Tiens ! Nous savons faire tout ça ! Nous avons un chœur d'une cinquantaine de personnes et une soixantaine de musiciens capables de tenir en haleine cette immense salle remplie d'un public averti. Il y aurait donc chef et chef. «Oui, confirme Samir Ferjani, flûtiste professionnel depuis vingt-cinq ans, Premier flûte à l'Orchestre symphonique tunisien et docteur en musicologie. Oui, confirme-t-il, l'apport de Fayçal Karoui est intervenu à concurrence de 75% pour donner à cette soirée tout son brillant ». A quoi reconnaît-on un bon chef ? Samir Ferjani explique : «Il a passé à peine une semaine parmi nous. Seulement quelques heures de répétition par jour. Mais il a cet art de vous mettre à l'aise. Et il donne une seule consigne aux musiciens : faites-vous plaisir !». Mais il n' y a pas que cela. Car au-delà des surprises du chef, il y a un travail en amont qui s'est fait depuis quelques mois par la nouvelle direction et le Comité artistique de l'Orchestre symphonique tunisien(*). Samir Ferjani, membre de ce Comité, nous parle justement du nouvel esprit qui, en outre, consiste à recruter les meilleurs, ceux qui méritent vraiment, quitte à aller les chercher dans les quatre coins du monde». Quinze instrumentistes, notamment des hautbois, des bassonistes, une piccolo et un percussionniste étaient en effet spécialement venus de France. Ils ont reçu contre leur prestation une somme qui s'approche beaucoup plus du perdieme que du cachet, qu'ils ont par ailleurs dépensée sur place en jus et en souvenirs. Ils étaient jeunes, curieux, frais et avaient pris part à l'aventure avec plaisir. Avec plaisir aussi, Samir Ferjani, longtemps premier flûte de l'Orchestre symphonique tunisien, a cette fois cédé son pupitre à Cathrine Alice, venue de France. «Il faut accepter le brassage et savoir céder la place si c'est pour le bien de l'ensemble», conclut Samir Ferjani avec beaucoup d'humilité. Pour conclure : « Il nous manque encore beaucoup de postes. Il faut passer à la formation. Nous commencerons bientôt les recrutements. Nous avons sur ce plan du pain sur la planche». ————— (*) Ce comité qui est un véritable laboratoire à penser de l'orchestre est composé de : Alya Sellami, Emira Dakhlia, Chadha Hichri, Farouk Shabou, Fadi Ben Othman, Hichem Lamari, Mohamed Bouslama, Mourad Frini, Michaela Mami, Samir Ferjani, Saima Sammoud, Youssef Messaoudi et Yassine Guetat.