Rares sont les joueurs de la trempe de ce défenseur-buteur. Il a été l'un des artisans du titre de champion de Tunisie remporté par le CAB à l'issue de la saison 1983-1984. On le surnommait le «défenseur-buteur» et la «tête d'or» cabiste, tellement il marquait des buts pendant les moments difficiles. Il s'agit, tout le monde l'a compris, de l'athlétique défenseur Salah Chellouf. Tantôt latéral droit, tantôt axial (libéro), Salah Chellouf a marqué de son empreinte toute la décennie glorieuse du CAB, celle des années 80 au cours de laquelle il a gagné deux coupes de Tunisie (1982 contre le CA et 1987 face à l'ASM), un championnat (1983-1984) et la Coupe d'Afrique des vainqueurs de coupe (1988 contre les Rangers Bees du Nigeria). On l'écoute nous raconter sa riche carrière de footballeur à laquelle il mettra fin au terme de la saison 1989-1990. Comment êtes-vous venu au football? J'étais gardien de but de handball au CAB avec les minimes quand les entraîneurs des jeunes à l'époque Hamadi Ouerdiane et Hamadi Hammami m'ont vu jouer au football avec les scolaires. Ils m'ont conseillé de signer une licence en football dans la même catégorie. J'avais à peine 13 ans. C'était lors de la saison 1972-73. Je suis passé par les cadets (deux saisons) puis les juniors (un an) avant d'accéder en équipe senior en 1977. Contre quelle équipe avez-vous disputé votre premier match avec les «grands» ? C'était face au COT au stade Chedly-Zouiten. On avait fait match nul (0-0). J'étais jeune, il a fallu demander un surclassement qui consistait à présenter un certificat médical pour pouvoir jouer avec les seniors. J'ai évolué alors comme libéro, j'étais bien costaud pour mon âge. Comme nous avons rencontré les Cotistes en milieu de semaine et que nous devions recevoir le CSS le dimanche, j'ai été rétrogradé en juniors pour me préserver d'éventuelles blessures. C'aurait été un peu trop pour moi sur le plan physique selon le staff médical et les règlements sportifs. C'était quand alors le vrai décollage ? Je me suis bien aguerri avec les juniors, j'ai continué à me former sur tous les plans. L'année suivante, en 1978-79, Alexander Grozdovovic était devenu l'entraîneur du CAB. Depuis, je n'ai plus quitté l'équipe senior constituée de Baratli, Mahouachi, Ridha Mokrani, Yassine Dziri, Hosni Zouaoui, Ezzeddine Ben Saïd, Mondher Mokrani, joueurs Hmaied Romdhana, Ali Mfarej, Ben Doulet, Shaïek, Adel Somrani, Mourad Gharbi, Mohsen Gharbi, Almia, Bouchada… Au cours de cette longue et riche décennie, j'ai tout vécu. Deux coupes de Tunisie, un titre de champion, une coupe d'Afrique mais aussi une rétrogradation en D2. On enchaînait les matches en cours de semaine et le week-end pour rattraper le retard cumulé après l'aventure africaine. Nous étions K.-O. sur le plan physique. L'année suivante, à l'issue de la saison 1989-90, nous retrouvions l'élite grâce à un effectif exceptionnel plein de talents. Celui-là même qui a offert le premier titre continental à la Tunisie. Quel est votre meilleur souvenir dans cette carrière riche en sensations fortes? C'était l'année de la consécration. Nous jouions contre le CSS à Bousalem — notre terrain était suspendu — et nous n'arrivions pas à marquer malgré un nombre incalculable d'occasions de but faciles. On devait gagner pour garder notre leadership, le ST qui nous talonnait, était aux aguets. La rencontre se dirigeait vers un nul blanc et alors qu'il restait 30 secondes dans les arrêts, j'envoyais un tir tendu de près de 30 mètres dans les filets de Abdelwahed. C'était la délivrance alors que la plupart de nos supporters avaient déjà quitté le stade en direction de Bizerte. Quelle a été leur joie d'apprendre, sur la route, que le CAB a gagné. Nous étions tous heureux! Le titre ne pouvait plus nous échapper et pourtant il nous restait à jouer contre l'ASM, l'USM et l'ESS, dernier match à Sousse. Et votre plus mauvais souvenir ? Je n'oublierai jamais la période pendant laquelle on m'avait accusé de comploter contre notre entraîneur Youssef Zouaoui et que je cherchais à lui ravir sa place. J'étais montré du doigt par tout Bizerte. Seuls quelques amis fidèles continuaient à me fréquenter, à me remonter le moral. C'était injuste ! Et c'était vrai cette histoire de complot ? Mais pas du tout! Chacun était bien dans son rôle. Malheureusement, il y a toujours de mauvaises graines qui désirent monter les gens les uns contre les autres, les joueurs contre l'entraîneur, etc. J'étais innocent. La preuve est que Youssef Zouaoui, revenu entraîner le CAB après le départ de Kulezsa en 1987 quand on allait disputer le match retour à Alger contre El Harrach, m'a confié le brassard de capitaine d'équipe. Nous avions alors gagné par 1 à 0. Nous avons accédé au tour suivant à la faveur des tirs au but. C'est cette saison-là qu'on avait remporté la Coupe d'Afrique. Dans les années 80, il y avait beaucoup de talents qui évoluaient dans le championnat tunisien. Quels sont les joueurs que vous avez rencontrés ? Ils étaient nombreux et également talentueux. Il y avait Attouga, Gommidh, Abada, Ben Mrad, Abdelmajid Jlassi, Gaddour (Abdelkader Ben Saïd), Agrebi, Ayadi, Chemam, les frères Ben Dadi, Bourouba, Bakaou, Hamadi Barka, Nouri Hafsi, Ellouze, Sériati, Jabbès, Khemaïes Laâbidi, Chehaïbi, Ben Brahim, Tissaoui, Séhili… On vous connaît défenseur mais vous marquez beaucoup de buts. Oui, effectivement, j'ai marqué pas mal de buts, durant ma carrière, de la tête et des pieds à feu Kamel Karia (EST), Abdelwahed (CSS), Harzallah (ESS), Mokhtar Naïli (CA), Ferjaoui (ASM), Sebaï (CSHL), Jamel Tayechi (JSK), etc. A-t-on pensé à vous convoquer en Equipe Nationale à ce moment-là ? J'ai d'abord été en Equipe Nationale Espoirs en 1979-1980 puis en seniors en 1984-1985 lorsque Youssef Zouaoui était entraîneur. J'ai joué contre le Nigeria qu'on a battu (5-0), le Canada et contre des clubs allemands toujours en amical. Enfin, je termine en offrant à tous mes amis la chanson de Lara Fabian «Immortelle».