Par Amel ZAIBI En termes de contestations sociales, le registre des pays qui ont vécu la colère populaire, tout en considérant les raisons spécifiques à chaque mouvement et son élément déclencheur, est bien rempli. Sauf que les pouvoirs publics, des uns et des autres, ne retiennent pas toujours les bonnes leçons, alors que cette colère a parfois débouché sur la chute des régimes ou des gouvernements en place, après une grave amplification et souvent une récupération politique des contestations. Le risque zéro n'existe pour aucun pays, si la colère n'est pas entendue, n'est pas comprise et n'est pas suivie de solutions adéquates, à temps. Car, tout comme le système économique libéral, la misère aussi s'est mondialisée. De ce fait, toute contestation sociale doit être décryptée à l'intérieur comme à l'extérieur, car elle est l'expression d'une inquiétude, d'une peur de l'avenir incertain, pour soi et pour ses enfants. C'est là la ligne rouge du citoyen lambda, non politisé, qui ne demande qu'à vivre dignement. Les sociétés démocratiques ont le privilège d'exprimer leur colère et de revendiquer leurs droits librement et légalement dans l'espace public, justement pour contenir les risques d'insurrection. Mais cela ne suffit pas quand les réponses des autorités politiques se font attendre ou quand elles sont insuffisantes. Le mouvement des Gilets jaunes, initialement pacifique et qui s'est transformé en guérilla urbaine le samedi 1er décembre, est à ce titre un exemple qui mérite d'être cité. Première leçon : la gestion sécuritaire du mouvement des Gilets jaunes. Magistrale à Paris samedi dernier, après les dérives du samedi précédent causées par les casseurs et les éléments extrémistes de l'ultra-droite et l'ultra-gauche venus pour en découdre avec les forces de l'ordre. Dispositif sécuritaire exceptionnel. Manifestants tenus à distance et usage gradué de la force par les sécuritaires. La force de frappe des casseurs a été réduite ainsi que les dégâts collatéraux. Parallèlement, plus d'un millier d'interpellations et des centaines de gardes à vue. Conclusion : la police républicaine infiltre les manifestations pour procéder aux arrestations des manifestants violents, cela fait partie de la gestion des mouvements de protestations. Ce que nos analystes et autres chroniqueurs de télé et de radio devraient retenir, pour éviter la désinformation. Deuxième leçon : la communication politique, scientifique et savamment codée, est très importante pour apaiser la colère populaire et favoriser le dialogue entre le gouvernement et les protestataires. Les défaillances de la communication et l'arrogance dans les propos de certains représentants de la majorité ont le même effet que celui de l'huile jetée sur le feu. S'adresser à l'opinion politique est un savoir-faire et ne doit pas être improvisé. Par ailleurs, du côté des contestataires, la tactique qui consiste à précéder le dialogue par la violence est une méthode inflammable, un mauvais exemple pour la jeunesse. Sachant que la violence est aussi verbale. Certains de nos politiques et de nos syndicalistes en sont devenus des porte-drapeaux. Troisième leçon : les contestations sociales, sans arrières politiques, qui dénoncent la dégradation du pouvoir d'achat sont organisées les jours de congé hebdomadaire après une semaine de travail pour épargner plus de pertes à l'économie nationale. La tension des Gilets jaunes est toutefois maintenue par les retraités, en sit-in sur les routes, les stations de péage et autres points de passage. Pas dans les administrations, ni dans les transports. Les contestations sociales, aussi légitimes soient-elles, doivent aider à construire non à détruire.