Après «La légende vivante de Djerba» et «Djerba, le temps des regrets», Jean-Jacques Ciscardi, l'amoureux transi de l'Ile des lotophages, poursuit dans «Djerba, fontaine de souvenirs», sorti récemment dans les librairies, à égrener ses souvenirs au fil des réminescences de sa mémoire «devenue, l'âge aidant, capricieuse» comme il l'affirme lui-même. Fils d'un gardien de phares (Taguermess et Djillidj à Djerba et Thyna à Sfax), l'auteur a passé la plus grande partie de son enfance et de sa jeunesse dans l'île où il était considéré comme «une légende vivante». L'ayant quittée en 1957, après l'Indépendance, alors qu'il n'avait que 21 ans, il y retournera 32 ans plus tard, en 1980, pour s'y installer définitivement. Il y revient après un parcours éclectique en France, où il a été tour à tour opérateur de cinéma, musicien (guitariste) auteur-compositeur, chanteur, peintre, poète, restaurateur, hôtelier et écrivain dès l'âge de 40 ans. Auteur de huit manuscrits, dont cinq ont été publiés, Ciscardi ne compte pas s'arrêter en si bon chemin puisqu'il annonce déjà dans ce 3e tome que «cet ouvrage n'est pas le point final de ses souvenirs et que bien d'autres sont encore en état d'hibernation dans l'attente d'un réveil prochain». Ainsi, si les deux premiers tomes de la série sont du genre autobiographique, le 3e s'attache à «redonner aux grandes valeurs sociales, morales, culturelles et aux traditions authentiques et originales, qui ont fait la réputation de l'île, toutes leurs significations et leurs valeurs symboliques», comme le souligne dans la préface son complice de toujours Houcine Tobji, conservateur du musée du patrimoine à Guellala. Narrateur talentueux, au style fluide et coulant de source, l'écrivain nous replonge dans les années 1940 et 1950, en nous faisant vivre une kyrielle d'aventures et de rencontres surprenantes et impressionnantes avec une palette de personnages pittoresques de l'île, entre autochtones et étrangers, mais aussi avec de célèbres prisonniers politiques tunisiens en résidence surveillée. On savoure, donc, avec délectation et une grande curiosité les feuilles où il raconte l'arrivée, impromptue, en 1952, de trois prisonniers politiques tunisiens très proches de Bourguiba, au phare de Borj-Djillidj, qui ne sont autres que Hédi Nouira, Mongi Slim et Hédi Chaker avec lesquels le père Ciscardi a vite fait de sympathiser, les invitant à plusieurs reprises pour une causette autour d'un café, dans leur salon au phare. L'auteur évoque des traits spécifiques de chacun des caractères de ces militants et autres informations sur la manière dont ils passaient leur journée sous surveillance. Mais les autorités coloniales françaises voyaient-elles d'un bon œil cette amitié nouée entre la famille Ciscardi et les prisonniers. C'est ce qu'on découvrira au fil de la narration ainsi que, d'ailleurs, la teneur de la visite de Bourguiba à Borj-Djillidj où il rencontra les Ciscardi. Bref, dans «Djerba, fontaine de souvenirs», l'auteur réitère son amour profond pour «son île magique» et ses habitants «dont il aime la sincérité, la jovialité, le bon cœur, la candeur et le respect des autres». L'écrivain évoque, également, avec tendresse ses amis retrouvés du temps de sa jeunesse ainsi que ses nouveaux amis, après son retour à Djerba. Des amis qui, écrit-il, «l'ont toujours aimé et apprécié en tant que légende vivante, qui ont su lui rendre hommage et qu'il ne cessera jamais de chérir». Entre nostalgie et espoir, l'auteur déclare encore une fois avec passion et force détails «son amour à son seul pays, la Tunisie».