Dans cet ouvrage autobiographique qui se présente comme un roman, l'auteur-narrateur revient sur les épisodes d'une vie et raconte à sa manière les années 1945-1957 entre Djerba, Sousse et Sfax. Un témoignage sur une époque, doublée d'un recueil d'anecdotes savoureuses. A découvrir à la confluence de deux légendes, celle d'une île éternelle et celle d'un adolescent qui mord dans la vie à pleines dents... Les éditions Arabesques viennent de publier un récit autobiographique de Jean-Jacques Ciscardi, un natif de l'île de Djerba où il réside encore de nos jours. Intitulé "La légende vivante de Djerba", ce livre tire son titre d'un épisode de la vie de son auteur. En effet, ce dernier était devenu, selon les habitants de son village djerbien, une "légende vivante" car il se rendait à l'école à dos d'âne. Comme un poisson dans l'eau... Le livre est écrit avec une rare élégance et beaucoup de tendresse pour un passé désormais révolu. Né, dans le sud tunisien, l'auteur-narrateur est le fils d'un gardien de phare qui évolue en son île comme un poisson dans l'eau. Divisé en seize chapitres, cet ouvrage de 220 pages revient sur les péripéties d'une enfance et d'une adolescence à Djerba. L'auteur commence son récit lorsqu'il arrive avec sa famille pour s'installer au phare de Borj Jlij. Il le termine en 1957, peu après l'indépendance de la Tunisie. Vingt années se passent entre Sfax et Djerba, entre l'école et les premiers émois, entre les phares de l'île et les bus pour Tataouine. Ciscardi raconte avec simplicité et humour les épisodes d'une vie et les anecdotes qui font le sel de nos existences. Entre éducation sentimentale et projets futurs, il témoigne d'une jeunesse tunisienne et parvient à retrouver chaque grain d'un chapelet lumineux et profondément captivant. On y suit l'auteur en rupture d'école, devant les mille et un pièges et tentations de la vie. On découvre les méandres d'une existence aventureuse et pleine d'énergie. On pressent aussi la suite de ce premier ouvrage qui devrait raconter la maturité d'un homme et sa rencontre avec la France en 1957. Monté vers l'hexagone, Ciscardi va de nouveau moudre le grain qui fera de lui de nouveau une légende vivante sur fond de cabarets et de music-hall. Avec sa guitare, le jeune homme ira en effet chercher sa place au soleil dans la France de la fin des années cinquante. Certainement qu'un second tome reviendra sur ces années qui furent suivies par un retour à l'île de la beauté et du souvenir. L'ouvrage que l'éditeur présente comme un roman en a le rythme mais demeure marqué par son caractère de témoignage, de récit rétrospectif d'une vie trépidante. Un conteur né et des pages d'anthologie Pour l'instant, ce premier volume se déroule entre 1945 et 1957 et fourmille d'anecdotes et de surprises narratives. Les souvenirs de l'auteur donnent aussi une belle texture à ce livre qui nous mène à la rencontre de l'univers des gardiens de phare, des scaphandriers grecs et de la diversité djerbienne. On apprend beaucoup d'éléments d'histoire locale en feuilletant ce livre qui pêle-mêle, nous apprend quels étaient les premiers hôtels de l'île, comment se passaient des vacances à Sousse à cette époque, quel était le caractère des chambrées de militaires dans le sud tunisien et quelle fut l'ambiance à Sfax au cours de cette décennie qui structure l'ouvrage qui est d'une lecture agréable. Jean-Jacques Ciscaldi s'avère un conteur né, un narrateur qui ménage ses effets et garde son lecteur en éveil. De plus, il y a dans ce livre des pages d'anthologie qui décrivent de belle manière le monde des pêcheurs d'éponges siciliens ou encore les émois d'un livreur de pain et ses courses à travers la ville. Assurément, Ciscaldi vient de nous offrir une belle lecture et un livre qui, dès sa couverture, est placé sous le signe fertile et généreux du poisson.