En succédant à Majdouline Charni, Sonia Ben Cheikh est devenue la deuxième femme ministre nommée à la tête du département chargé des Affaires de la jeunesse et du Sport. En Tunisie, où les jeunes constituent environ les deux tiers de la population, l'on peut affirmer que le portefeuille du MJS est l'un des plus sensibles. Sonia Ben Cheikh en est parfaitement consciente. L'année 2019, qui sera chargée d'événements sportifs internationaux et de créations de nombreux projets en faveur de la jeunesse et du sport, sera une occasion pour mettre en exergue le dynamisme et la célérité dans l'exécution des affaires qui font la bonne réputation dont jouit cette femme. C'est que Docteur Sonia Ben Cheikh, qui est riche d'une expérience de 21 ans dans l'administration tunisienne passés dans le secteur de la santé, a vite fait le diagnostic du MJS. Elle s'est rapidement attelée à traiter les maux du sport et de la jeunesse en allumant la mèche dans tous les services sous ses commandes. Commençons par le sujet brûlant d'actualité des stades de Radès, El Menzah et Zouiten. Pouvez-vous nous faire un point de la situation à propos de leur remise en état qui fait couler beaucoup d'encre ? Comme vous le savez, le stade 15-Octobre de Bizerte est déjà de nouveau opérationnel. Il en sera de même pour le stade de Radès incessamment. Mais pour que ce dernier ne soit plus surexploité à l'avenir comme cela a été toujours le cas avant, nous allons accélérer la remise en état du gazon du stade Chedly-Zouiten. Et bien que l'exploitation de ce stade relève de la compétence de la municipalité, j'ai pris l'initiative de rassembler les parties concernées dans la gestion de cette exploitation : municipalité, gouvernorat, FTF, etc., pour les impliquer et les inciter à lui trouver une solution urgente afin qu'il soit rapidement opérationnel. Eh bien, tout le monde a contribué au dénouement de «l'affaire Zoutien» qui n'en a jamais été une au fait. C'est que les structures de ce stade qui sont en très bon état ne nécessitent pas de grands travaux. Seule la pelouse doit être refaite et maintenue comme il se doit d'une manière scientifique. Le budget de la remise en état ne dépasse guère les 400 mille dinars. Et ce qui m'a étonnée dans le dossier de cet historique stade, c'est que le budget de sa restauration est alloué depuis de longues années. Sa remise en état aurait donc dû être faite depuis belle lurette et le coût aurait été beaucoup plus bas que les 400 mille dinars à engager aujourd'hui. Bref, ce stade sera rouvert aux entraînements et à la compétition avant la fin du mois de mars prochain. On croit savoir que ce stade sera cédé aux privés. Est-ce vrai ? Ce n'est pas tout à fait cela, car son exploitation pourrait être faite dans le cadre du partenariat public-privé sous la formule de la complémentarité entre les deux secteurs. Mais ce qui est fort intéressant dans la réouverture du stade Zouiten, c'est qu'il permettra à l'avenir au stade de Radès de «souffler» un peu et d'échapper à la surexploitation néfaste due à la forte sollicitation (matches, entraînements, etc.). En revanche, le stade qui va nécessiter de grands travaux est celui d'El Menzah. Vingt-deux millions de dinars, tel est le budget (déjà alloué) pour la remise à neuf de cet autre prestigieux stade. Les études et l'élaboration du cahier des charges de ce projet vont être lancées très bientôt. Les travaux seront entamés vers le troisième trimestre de cette année et seront achevés à la fin de l'année 2020. J'attire, quand même, l'attention sur une chose importante à propos de la maintenance du gazon et des pelouses de nos stades. A ce propos, le ministère, en partenariat avec la FTF et avec l'implication de tous les intervenants dans l'exploitation des stades, engagera l'un des plus grands spécialistes français en la matière, en l'occurrence Emmanuel Bessong, pour effectuer des expertises sur nos stades gazonnés assorties de cycles de formation de techniciens tunisiens dans différents domaines de la gestion des stades. Ce sera une sorte de formation diplômante servant à combler les lacunes constatées dans nos ressources humaines dans ces domaines spécialisés. Cela nous conduit à évoquer avec vous le dossier de la corruption enregistrée dans quelques marchés publics dont certains sont devenus des affaires pendantes par-devant les tribunaux. Où en sont ces affaires et quelles sont les mesures qui ont été prises pour éviter leur survenance à l'avenir ? Pour ce qui est des affaires de corruption, elles relèvent désormais de la compétence de la justice. Mais dans le cadre de la prévention, l'inspection générale au sein du ministère s'attelle à suivre l'exécution des travaux et des services effectués dans le cadre des marchés publics avec une grande rigueur. Ce contrôle et les inspections doivent se faire avant, au cours et à la fin des travaux dans l'esprit du scrupuleux respect des conditions des cahiers des charges. Un grand renforcement de nos ressources humaines, surtout sur le plan technique et spécialisé dans tous les domaines concernant nos marchés publics, a déjà démarré. Notre but en cela est de maîtriser la bonne gouvernance et de barrer la route à la corruption. Malgré vents et marées, la Tunisie reste un pays de sport par excellence. En témoigne sa riche histoire sportive à l'échelle internationale. Qu'envisagez-vous pour redorer le blason de la Tunisie dans ce domaine en particulier et dans celui de la jeunesse en général ? En 2019, la Tunisie sera le théâtre de 70 manifestations sportives internationales, tous sports et catégories confondus. L'objectif est de faire de notre pays une destination sportive internationale avec tout ce que cela pourrait enclencher comme dynamique dans plusieurs domaines économiques et culturels. Parmi ces événements, la Tunisie renouera avec l'organisation des rallyes à partir de cet été. Il y aura aussi un grand tournoi de golf au mois de juin prochain qui réunira dans nos contrées 50 anciennes stars mondiales de football (en majorité des Italiens et des Français). Par l'intensification de l'activité sportive en Tunisie, nous visons l'exportation des services liés aux sports (entraîneurs, joueurs, techniciens, éducateurs physiques…). Comme vous avez certainement pu le constater lors du dernier marathon international organisé par la Comar, des tour-opérateurs ont travaillé sur la manifestation. Et c'est l'une de nos cibles visées. Nous avons parlé de la restauration de nos stades de football. Il n'y a pas que cela puisque plusieurs piscines ainsi que des salles couvertes seront implantées et/ou restaurées un peu partout. Par exemple, de nouvelles piscines seront construites à Jendouba et à Gabès avec des budgets alloués, en plus de la réfection de la piscine de l'Ineps, inexploitée depuis longtemps. Et pour ce qui concerne la jeunesse devenue plus que jamais auparavant livrée à la violence, à la drogue et à la délinquance en plus du chômage, qu'envisage le MJS ? De grands programmes ambitieux ont été à l'étude et ont commencé à voir le jour au cours des dernières années. Depuis 2016, une consultation nationale pour l'élaboration d'une vision stratégique pour la jeunesse a été initiée par le MJS. Les priorités de cette vision sont définies par le plan quinquennal 2016-2020 pour la jeunesse, en l'occurrence: — la promotion du droit des jeunes de participer à la vie politique et aux affaires publiques — la protection des jeunes contre les comportements à risque — l'intégration des jeunes dans la vie professionnelle et sociale et le développement des valeurs d'autonomie et d'esprit d'entreprise — le développement du potentiel créatif des jeunes. Pour ce faire, le rôle des maisons des jeunes sera déterminant car elles seront toujours appelées à assurer une fonction d'intégration, de socialisation et de promotion de la citoyenneté active des jeunes. C'est là les grands axes arrêtés par cette vision. En outre, je peux vous dire qu'on est en pleine déclinaison de la vision en programmes exécutés avec la collaboration de bailleurs de fonds, d'organisations onusiennes garantissant leur réalisation, l'assistance et la formation dont bénéficient et bénéficieront des milliers de jeunes. Une centaine de maisons des jeunes de deuxième génération (gaming, radio-web…) sont en construction dans tous les gouvernorats entre 2018 et 2019. Personnellement, je crois dur comme fer que chacun d'entre nous doit apporter sa contribution et être enthousiaste pour la multiplication de ce genre d'institutions afin de ménager nos jeunes et de les éloigner des dangers qui les guettent. Comme tous mes prédécesseurs, je suis sur une chaise éjectable, mais j'essaie de fructifier au maximum le temps qui m'est accordé dans le cadre de la continuité et de la réalisation du maximum d'œuvres profitables à la jeunesse et au sport tunisiens. Ne voyez-vous pas, par ailleurs, que nos clubs sportifs et nos fédérations nécessitent une certaine assistance ou plutôt une politique rénovante susceptible de les aider à surmonter leurs problèmes (surtout budgétaires) que le MJS est le mieux placé pour la leur procurer ? Etant une fervente adepte de la politique participative dans tous les domaines, je pense que cette initiative doit être traitée collégialement. Mais le déclic doit émaner des fédérations et des institutions publiques qui sont en lien étroit avec les clubs comme les municipalités et les gouvernorats. Mais cela ne nous empêche pas d'apporter notre concours pour repenser la gestion des clubs. D'ailleurs, des diagnostics sont en cours pour une évaluation objective de l'existant au niveau de 50 fédérations sportives avec pour objectif une refonte et une restructuration qui soient au diapason de la modernité et de l'efficience. Notre ministère est un acteur principal dans cette démarche. A quand plus d'intérêt pour les sports individuels, notamment ceux qui ont ramené d'historiques et glorieuses satisfactions à la Tunisie ? Dès mon avènement à la tête du MJS, j'ai toujours défendu l'idée consistant à arrêter de se focaliser essentiellement sur les sports collectifs. Et du coup, j'ai tout de suite mis l'accent sur la politique des contrats par objectifs avec toutes les fédérations sur un pied d'égalité en plus d'un intérêt particulier pour les sports individuels, le sport féminin et le handisport. Cela permet de bien canaliser les budgets alloués qui doivent être accordés aux champions et aux talents en herbe. Bien évidemment, nos dépenses toucheront les préparations adéquates, les stages de haut niveau et les compétitions qui soient de nature à aguerrir au mieux nos champions, en particulier pour les Jeux olympiques. Pour conclure, quel serait votre message aux sportifs et aux jeunes en général ? On ne le répètera jamais assez, le sport doit être une activité pour tous. Un peuple sportif est un peuple en bonne santé. Il est le meilleur moyen pour lutter contre les maladies et contribuer au développement dans tous ses aspects. Aujourd'hui, on parle de l'industrie du sport. Il faut s'y attaquer de sitôt à l'instar des pays avancés.