A cause du dévasement dans les barrages, des millions de m3 d'eau sont perdus chaque jour. Il y a un problème de valorisation de l'eau. L'année 2018 qui vient de s'écouler a drainé des pluies abondantes qui ont sensiblement amélioré le niveau des barrages en Tunisie. Une année pluvieuse qui a laissé place à un début d'année qui démarre sous les trombes d'eau. Si cela a des répercussions sur la consommation d'eau des ménages, l'impact sur l'agriculture est également attendu. En effet, les fortes chutes de neige accompagnées de précipitations ont planté le nouveau décor hivernal. Les pluies ont été d'un apport appréciable pour le renforcement du stock hydrique dans les barrages du pays où l'on recense actuellement près de 1,4 milliard de mètres cubes d'eau contre un peu plus de 700 millions de m3 à la même période de l'année 2018. De nombreuses questions restent toutefois sur le bord des lèvres sachant que le niveau est monté en une seule année. L'abondance en eau sera-t-elle bien exploitée ? Le taux de remplissage a-t-il atteint un niveau satisfaisant ? Quelles sont les pertes en eau hydriques subies? Mme Raoudha El Gafrej, universitaire et experte en gestion des ressources en eau, a été contactée pour faire un bilan sur la situation actuelle des réserves hydriques avant d'évoquer les problèmes de l'exploitation de l'eau. Quantités d'eau stockées dans les barrages Sur le site de l'Observatoire national de l'agriculture, www.onagri.nat.tn, les données sur le volume de remplissage sont répertoriées par barrage. Le 28 janvier 2018, on comptabilisait 726,495 millions de mètres cubes. Comparativement au même jour de cette année, on décompte précisément 1416,142 millions de m3. Les réserves en eau sont passées du simple au double en l'espace de douze mois. Le barrage Sidi Salem est entièrement rempli au double par rapport à l'an dernier avec 269,580 millions m3 contre 128,174 millions m3, l'an dernier. « C'est le plus grand barrage de Tunisie qui atteint traditionnellement 450, 500 et 600 millions de m3. Sidi el Barrak à Nefza, le deuxième plus grand barrage, était à 155,043 millions de m3 contre 274,140 millions de m3 cette année. « Ce barrage est rempli », constate notre experte, avant d'aborder le problème du gaspillage des ressources hydriques. « 8 millions m3 d'eau ont été perdues dans le sens que la quantité d'eau qui est entrée est rapidement ressortie à cause du phénomène de déversement. Le même phénomène s'est produit dans le barrage Barbara (Aïn Draham) qui a accusé une perte de 5,8 millions m3 d'eau. Chose qu'il ne faut pas confondre avec le dévasement». Par ailleurs, le dévasement a causé la perte de millions de m3 d'eau dans le barrage de Beni Mtir. Ce dernier a vu sa capacité augmenter par rapport à l'an passé avec un volume qui a actuellement atteint 57,068 millions de m3 contre 33,266 millions m3 l'an dernier à la même période. Beni Mtir et Kassab sont des barrages exclusivement destinés à l'exploitation par la Sonede. « L'Etat a construit ces deux barrages et les a attribués exclusivement à la Sonede pour l'approvisionnement et la consommation en eau potable», a relevé Mme Raoudha El Gafrej. A cause du dévasement dans les barrages, des millions de m3 d'eau sont perdus chaque jour. Des barrages à l'instar de Sidi El Barrak ne sont pas épargnés par le déversement et le dévasement responsables des pertes considérables en eau. Mme Raoudha El Gafrej déplore aujourd'hui le déséquilibre dans la gestion des eaux de barrage : « Quand on n'a pas de pluie, on vit la sécheresse et quand on a de la pluie en abondance, on n'arrive pas à absorber toute la quantité dans les barrages. On ne sait pas valoriser les périodes abondantes en eau ». Gaspillage d'eau Le gaspillage des ressources hydriques est dû à deux phénomènes. L'un relatif au déversement et qui se produit à la surface des barrages et l'autre appelé dévasement qui se produit au fond du réservoir d'eau. Le déversement est un phénomène subi qui oblige l'étendue d'eau qui arrive en surface à déborder sur la mer pour être évacuée, faute de capacité de stockage supplémentaire. Le dévasement est un phénomène produit par les agents de contrôle des barrages qui consiste à déverser l'eau qui gît au fond du réservoir directement dans la mer dans le but assainir les eaux de barrage. La méthode n'est pas similaire mais l'objectif est le même. Il s'agit de vider le barrage de son excédent d'eau afin d'éviter qu'il n'explose sous le poids du volume d'eau qu'il contient. Toutefois, l'experte avance des hypothèses pessimistes sur l'exploitation actuelle des ressources hydriques en Tunisie Des pertes massives au niveau des flux d'eau sont, chaque année, enregistrées à cause de l'incapacité technique à absorber et à gérer à bon escient l'excédent d'eau provenant de précipitations abondantes. Ainsi, le barrage Sidi El Barrak a enregistré une perte de 9,8 millions m3 d'eau dans la seule journée du 24 janvier 2019 à cause de l'action conjuguée du déversement et du dévasement. Idem pour le barrage Barbara où 4,1 millions de m3 d'eau ont été perdus.