Le gouvernement affirme avoir changé de "stratégie" pour convaincre les prévenus de collaborer La séance plénière d'hier à l'Assemblée devait être consacrée exclusivement à ce que certains appellent déjà "l'affaire Mabrouk", suite à la levée du gel sur les avoirs de l'ex-gendre de Ben Ali, Marouene Mabrouk, mais au final le bureau de l'Assemblée en a décidé autrement et la séance a été consacrée à la discussion de la gestion des biens confisqués. Une orientation qui n'a pas manqué de faire réagir les députés de l'opposition qui y ont vu un "enfumage" de la part de la majorité, et plus précisément de la part des élus du groupe de la Coalition nationale. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle la majorité des interventions des députés de l'opposition ont essentiellement porté sur ce qu'ils considèrent être un cadeau fait par le gouvernement à l'homme d'affaires Marouene Mabrouk. Par ailleurs, sur le dossier des biens confisqués, la Commission de la réforme administrative, de la bonne gouvernance, de la lutte contre la corruption et du contrôle de gestion des deniers publics a présenté son rapport, "fruit d'un long travail", selon les termes de la présidente de la commission Monia Brahim. Un rapport qui n'est pas tendre avec les gouvernements qui se sont succédé au lendemain du 14 janvier. Le rapport établit, en effet, que l'Etat n'a pas tiré profit convenablement des biens et entreprises confisqués, n'a pas réussi de manière significative à rapatrier les avoirs gelés à l'extérieur du pays. Un constat que partagent une large majorité des députés à propos de ce qu'ils considèrent être comme l'échec du système de confiscation, de gestion et de récupération et ont dénoncé ses défaillances et la corruption. Certains élus n'ont en effet pas hésité à accuser l'Etat d'avoir, dès le départ, tenté d'utiliser le dossier des biens confisqués pour faire du chantage. De toutes les manières, lorsqu'il prend la parole, le ministre de la Justice, Mohamed Karim Jammoussi, a reconnu que la récolte des biens spoliés est bien maigre. Selon lui, cela revient principalement à la complexité des procédures imposées par les pays où sont situés ces biens. "On nous demande par exemple de démontrer clairement le lien de cause à effet entre le crime commis et les biens, explique-t-il. Ils nous demandent également de prouver très clairement la corruption, ce qui n'est pas toujours évident". D'un autre côté, les pays qui détiennent cet argent spolié demandent à ce que le verdict soit définitif et n'acceptent pas les condamnations par contumace, et ce, au nom du principe du "procès équitable". Le ministre de la Justice précise aussi que l'Etat tunisien a changé de stratégie vis-à-vis des gels des avoirs. "Il faut comprendre que le gel des avoirs de 48 personnes était une mesure préventive qui ne peut pas continuer indéfiniment", clame-t-il. Selon lui, le gouvernement a décidé d'adopter une nouvelle stratégie qui consiste à alléger l'étau autour de ces personnes, mais à la condition de mettre sur la table une caution d'une valeur supérieure aux avoirs à l'étranger. A la condition aussi qu'il s'engage à révéler tous ses avoirs, même ceux qui ne sont pas connus par les autorités. Par ailleurs, le ministre de la Justice, Mohamed Karim Jammoussi, a insisté sur le fait que l'Etat ne cède pas à propos des biens confisqués en Tunisie et continue à défendre ses intérêts.