Par Abdel Aziz HALI À coups de grenades lacrymogènes, la police algérienne tentait, hier, de dégager l'entrée du Palais du gouvernement, siège du Premier ministère pris d'assaut par une foule de manifestants. Il faut dire que depuis le début des contestations au pays des moudjahidine contre la candidature du président sortant, Abdelaziz Bouteflika, pour un 5e mandat, la mobilisation ne cesse de prendre de l'ampleur drainant au passage toutes les classes sociales. Entre l'icône de la révolution algérienne Djamila Bouhider et le célèbre homme d'affaires, Issad Rebrab, on ne compte plus le nombre de personnalités nationales qui ont rallié le mouvement contestataire. Et si les calculs de la politique politicienne n'ont pas su fédérer l'opposition algérienne dans un projet commun, les manifestations de ces dernières semaines ont fini par mettre tout le monde d'accord en rassemblant au passage les figures emblématiques de la classe politique du pays : Saïd Sadi, fondateur et ancien président du RCD, et Ahmed Benbitour, économiste et ancien chef de gouvernement, ainsi que plusieurs leaders de partis politiques tels que Ali Benflis, Soufiane Djilali, Abdellah Djaballah, Abderrezak Mokri et Mohcine Belabbès. Tout porte à croire que le plafond de verre a finalement été brisé. Les langues se délient. Plus jamais peur ! La jeunesse algérienne — qui n'a connu ni l'Algérie post-révolution, ni celle de la décennie noire — voit les choses autrement et différemment. Entre frustrations et «humiliations», l'Algérie de Kamel Daoud, Boualem Sansal et Yasmina Khadhra ne veut plus d'un statu quo qui n'a que trop duré. Un feuilleton aux allures de «Dynastie», qui n'en finit pas. Trop, c'est trop ! Immobilisé, paralysé et figé dans le temps, le schéma actuel de la gouvernance algérienne ne séduit plus. Une offre politique qui ne fait plus rêver. Et un pouvoir à bout de souffle qui peine à se réinventer et à se régénérer. Le peuple algérien a battu le pavé pour exprimer son ras-le-bol. Des citoyens qui veulent récupérer leur dignité. Des Algériens qui aspirent à un avenir meilleur dans une nouvelle Algérie. Manifestement, plus rien ne peut arrêter ces âmes libérées de l'omerta et cette grogne populaire, même pas une grenade lacrymogène !