Les classiques entre Stadistes et «Sang et Or» ont toujours été empreints d'une certaine «technicité», révélant des joueurs, tout en nous valant des phases de jeu qui en disent long sur le potentiel de ces deux grands clubs Faute d'atouts offensifs d'envergure, Liewig a favorisé une orientation tactique lucide et progressive. Un jeu en bloc avec un onze assez dense où le pressing de zone et la reconversion offensive des latéraux ont permis d'apporter le surnombre sur les côtés. Ambitionner de saper le jeu de l'EST demande beaucoup d'endurance, de générosité dans l'effort et une certaine cohésion à l'entrejeu. Or, et de toute évidence, le losange axial d'une Espérance adoubée à deux repères que sont Darragi et Korbi, n'a pas manqué d'anticiper et quelque peu de ratisser large au sens propre du terme. La monopolisation du ballon, le jeu court et léché, les triangulations, les automatismes et autres manœuvres huilées de l'EST sont autant de constantes qui permettent à terme de gagner la bataille de l'entrejeu. Koako et Bâ ont beau s'appliquer à la récupération et à la relance, leurs efforts s'avoueront vains face à la force de pénétration de l'EST. Il est vrai que face à une Espérance d'attaque, composée en majorité d'artilleurs tels que Msakni, Ayari, Khélifa, Darragi et Michael, les changements de rythme et autre faculté à tenir en respect l'adversaire, n'ont vraisemblablement pas été de mise chez les Bardolais. Vraisemblablement, la force de caractère du champion sortant, la fraîcheur de ses joueurs cadres et une certaine faculté à se transcender se sont avérés porteurs pour l'EST. Aussi, les montées de Chammam et Afful sur les côtés ont quelque peu «usé» un Stade concentré sur la récupération et le jeu direct plus que toute autre approche de jeu basée sur un football fait de passes courtes et de jeu en bloc mobile. En face, le ratissage et le quadrillage de Korbi, voire de Traoui et Boughanmi par la suite, ont finalement tué dans l'œuf toute velléité de jeu réfléchi adverse. Plus d'audace, de tempérament et de culot offensif, ce n'est certes pas la marque de fabrique stadiste, mais cela aurait pu «activer» un dispositif de jeu, au bout du compte stéréotypé et prévisible. Si le ST a globalement progressé depuis quelques années, retrouvant certaines vertus et valeurs de jeu, la palette et la maturité tactique de son ossature ne lui ont pas permis de se hisser au niveau d'un adversaire qui n'a forcément pas fait dans la dentelle face à son voisin stadiste. Chapitre qualités individuelles, les contrôles orientés de Msakni, sa force de pénétration, ses coups de reins et sa faculté à fixer son vis-à-vis, constituent cette cerise sur le gâteau, concourant même à se défaire du marquage imposé. Hicheri, la rigueur... Si le ST a joué selon ses moyens, l'EST a fait prévaloir sa détermination pour glaner trois précieux points. Calme olympien, force tranquille, rigueur et réalisme sont la marque de fabrique du champion sortant, comme entrevue récemment. Ce faisant, le revers subi en terre congolaise n'a pas affecté le mental d'un groupe dont les ambitions sont sans cesse renouvelées, via cette aptitude perpétuelle à se remettre en cause. Pour revenir à une lecture basique de la rencontre, les énormes progrès défensifs réalisés par l'EST ont permis d'élargir les horizons d'un champion qui ne se contente plus seulement d'attaquer mais aussi de solidifier son arrière-garde. L'aptitude de Walid Hicheri à imposer un marquage de zone à son vis-à-vis, son degré d'anticipation, son jeu de tête, sa participation à la relance et autre amorce offensive, dénotent beaucoup de constance et de rigueur chez un joueur qui se bonifie au fil des rencontres. Il est vrai que Hicheri a fortement stabilisé le compartiment de la défense. Outre sa prestance et sa présence, l'ex-Cabiste a vite fait de s'intégrer dans le moule et devenir au fil des matchs un titulaire en puissance: «Rester sur une dynamique de victoire en championnat était l'objectif primordial», a ainsi déclaré Maher Kanzari. Il est vrai qu'en fin de compte, le résultat a primé sur toute autre considération de jeu. «Au-delà des deux buts encaissés, le mental de l'EST a prévalu». Lucide et cohérent dans son jugement, Liewig a reconnu que son équipe a eu affaire à un adversaire de qualité. Pour l'Espérance, cette victoire pourrait servir de levier et de rampe de lancement à l'approche de la manche retour de l'apothéose continentale: «Rien ne s'est fait de grand qui ne soit une espérance exagérée», dixit Jules Verne. Il est vrai que les rêves sont faits pour être réalisés, alors que l'EST a toutes les cartes en règle pour ambitionner renverser la tendance lors de la seconde manche.