Par Bady BEN NACEUR D'habitude, et même d'ordinaire, dans les pays développés, s'il y a des changements fondamentaux du point de vue politique et socio-économiques, cela ne laisse pas indifférent, le domaine de l'art aussi. Et s'il y a danger, les «vrais» producteurs d'images (existantes ou personnelles), sous-entendu les artistes-plasticiens et même les «autonomes», vont tâcher d'y réfléchir consciencieusement, et y répondre, à travers leurs associations séculaires, en se relayant avec tous les syndicats de la classe ouvrière et y compris ceux des médias qui se feront les échos de leur desiderata. Il faut souligner, sur cet état d'esprit, depuis longtemps partagé que l'«Union fait la force», que ces pays-là de véritables «chapelles de l'art», depuis quelque sept cents ans, ont en commun la foi chrétienne, même avec ses «protestantismes», mais ils ne l'affichent guère dans le domaine social et la rue. Il y a des forces motrices, dans les sociétés développées, démocratiques et de libre-pensée, et dont les politiques doivent toujours tenir compte comme d'un vivier capable de répondre à telle ou telle crise : les sciences, les arts (tous les arts), la littérature et les loisirs multiformes. Ce sont des secteurs de la vie active qui favorisent un nouveau langage vivifiant, prégnant et qui s'impose à l'esprit. Un langage qui va faire évoluer l'intelligence et, dans le domaine des arts qui est notre propos du jour, régénérer les styles et les tendances. En Tunisie, au cours des huit dernières années, des bouleversements sans fin, bouleversements formidables (c'est-à-dire redoutables), ont changé brutalement le cours de l'histoire même de la Tunisie. C'est qu'après vingt-trois ans d'une dictature et d'un règne sans partage, le peuple, se croyant libéré de toutes les entraves, se mit tout juste à respirer. Les sciences, les arts, la littérature, les loisirs n'étant plus considérés comme un vivier mais comme un vivarium (où l'on enferme les insectes) par ces politico-religieux, tout le pays se retrouve dans une déperdition totale. Et les artistes plasticiens notamment, ayant perdu leurs repères, sinon la boussole, ne savent plus où donner de la tête. A cause de la censure et même de l'auto-censure (comme dans le domaine des médias), de la notion d'«interdit figuratif» qui favorise «un peu de retenue», des calligraphes ou des abstracteurs qui cherchent à éviter des confrontations, depuis la «bataille d'el Ibdellya» aux premières lueurs de cette petite révolution qui ne dit pas son nom. Et adieu styles, tendances et art nouveau dont on ne distingue pas encore les arcanes, sauf chez les artistes intrépides et les habitués aux changements douloureux. Il faudra attendre encore...