«Aujourd'hui, il semble que la tempête soit apaisée et que le pire ait été évité. Grâce aux mesures énergiques qui ont été prises rapidement dans un esprit de coopération sans précédent, l'activité économique mondiale redémarre même si le chômage et les dégâts causés par la crise vont continuer de faire sentir leurs effets pendant un certain temps encore», peut-on lire dans l'éditorial du dernier numéro de F&D, publication trimestrielle du Fonds monétaire international (FMI), intitulé «La lutte contre le changement climatique au service d'une reprise verte». Ce dernier numéro examine le problème mondial des changements climatiques mettant en exergue que le multilatéralisme qui a constitué une arme puissante durant la crise devrait être appliqué à ce problème. Maintenant que l'économie mondiale semble sur la voie de la reprise, les dirigeants cherchent à limiter les effets du changement climatique en agissant à l'échelle internationale. Ils devront en particulier concilier les mesures visant à atténuer les effets du changement climatique et les actions à mener pour stimuler la croissance et assurer la prospérité. Le défi du climat En effet, les efforts déployés pour négocier une suite au Protocole de Kyoto et concevoir des politiques climatiques internes se sont intensifiés récemment et atteignent un stade délicat. Parallèlement, les gouvernements cherchent de nouvelles sources de croissance durable, pour sortir de la pire crise économique depuis des décennies, et souvent aussi les moyens de résoudre les problèmes budgétaires aggravés par la crise. Ainsi selon un article intitulé «Une politique climatique pour des temps difficiles», le rétablissement de la croissance après la crise financière mondiale n'est pas incompatible avec la lutte contre le réchauffement climatique. En effet, la tarification du carbone peut améliorer la situation des finances publiques et une meilleure résistance climatique peut promouvoir la stabilité macroéconomique. Dans ce sens, la récession n'aurait rien changé aux défaillances du marché, responsables du problème climatique. Même avec les effets modérateurs de la crise, les émissions pourraient augmenter de 40% d'ici 2030 sans intervention politique supplémentaire. Du coup, un renforcement des mesures internationales, visant à rendre plus coûteuses pour les entreprises et les ménages les émissions de GES, doit rester prioritaire. Cette conjonction entre reprise et politique climatique ayant pour but d'encourager une «reprise verte» reste, néanmoins, tributaire de certains facteurs dont les finances publiques et la taxe ou quotas échangeables. Dans un autre article, l'auteur considère que le changement climatique gêne la croissance et le développement. Il nuit déjà aux pays en développement car il crée de nouvelles menaces, aggrave les anciennes, détourne des ressources et fait qu'il est plus difficile d'échapper à la pauvreté. Un financement spécifique serait susceptible de fournir aux pays en développement les ressources dont ils ont besoin pour en atténuer les effets et s'adapter. Cette solution vise à concilier équité et efficacité face au défi du climat puisque ce sont les pays riches qui devront financer les pays en développement. Mesure tout à fait acceptable quand on apprend, comme le rappelle l'auteur au début de l'article, que les pays en développement plus vulnérables au changement climatique pourraient subir quelque 80% des dommages. Un réchauffement de 2°C susciterait, par ailleurs, des pertes minimales dans les pays riches et une diminution moyenne de 1% environ du PIB mondial, en Afrique et en Asie du Sud, on pourrait avoir une réduction permanente de 4 à 5% du revenu annuel par habitant, en raison surtout des effets du changement climatique sur l'agriculture, secteur fort important dans ces deux régions. Ce numéro de F&D aborde, par ailleurs, plusieurs questions soulevées par la crise : l'avenir de la macroéconomie, sur lequel s'interroge William White, ancien économiste en chef à la Banque des règlements internationaux selon lequel la crise actuelle, qui touche à la fois l'économie réelle et la sphère financière, doit inciter à repenser les modèles macroéconomiques car «la macroéconomie moderne s'égare», souligne-t-il, ajoutant que cette crise a montré l'inefficacité des modèles construits sur la théorie des anticipations rationnelles. Selon lui, l'influence de la situation patrimoniale des ménages et des entreprises sur leur envie de dépenser, plutôt que sur leur capacité à dépenser, devra être au cœur de la recherche à venir. On peut aussi entrevoir la nécessité de rééquilibrer la croissance en Asie, première région du monde à sortir de la récession à travers un article où cinq personnalités asiatiques influentes donnent leur avis sur le redressement fragile de la région. Les pays émergents du continent seraient en mesure d'améliorer leur bien-être économique en faisant reposer leur croissance davantage sur la demande intérieure. La troisième vague Après les crises financière et économique, une «troisième vague» déferle sur le marché de l'emploi, qui va priver de travail des millions de personnes et bouleverser leur vie. F&D se penche sur le sort des populations qui seront sans doute les plus touchées et examine la riposte des gouvernements. Parmi les conclusions de cette enquête approfondie, l'impact de la récession mondiale sur le chômage varie selon les pays et les régions, le chômage touche plus les femmes que les hommes et risque d'engendrer une reprise dans création d'emploi. L'auteur redoute, d'ailleurs, que parallèlement à une croissance molle et à un crédit plus cher, un taux de chômage structurel plus élevé ne fasse désormais partie de la «nouvelle normalité». «Trop importantes pour être ignorées», les banques, qui ont une importance systémique, nécessitent selon un autre auteur, une surveillance «à revoir» qui constitue désormais une question délicate. Les autorités doivent améliorer la réglementation et la supervision des banques pour éviter les crises. Et si ces établissements montrent des signes de faiblesse, elles doivent décider des meilleurs moyens de leur venir en aide ou les laisser faire faillite. Ce numéro aborde plusieurs autres questions soulevées par la crise comme l'évolution de l'inflation, les relances budgétaires efficaces ou encore le choix du régime de change. Pour finir, la rubrique «Paroles d'économistes» est consacrée à Joseph Stiglitz, le lauréat 2001 du Prix Nobel qui «n'arrive pas à être chez lui». Pourtant comme le rappelle celui qui a dressé son portrait, c'est sous l'influence de Stiglitz que plusieurs initiatives ont été prises et c'est notamment lui qui a persuadé le Trésor américain, alors réticent, d'émettre des obligations indexées sur l'inflation. Par rapport à la crise, le Prix Nobel reste optimiste quant à l'avenir des marchés et du capitalisme.