Alia Sallemi se sent profondément tunisienne, bien qu'elle soit née en France. Enfant aînée de parents mélomanes, très jeune elle suit à Tunis des cours de piano, de solfège et de danse avec Kiriakopoulos. A 14 ans, elle se retrouve l'alliée de sa mère Anne Marie Sallemi pour l'ouverture de la première compagnie de danse «Ikaâ». Mais c'est en dansant sur une composition de Mahler ( Mort à Venise) qu'elle a eu son premier choc musical. Le parcours de danse a évolué, depuis, de la danse classique vers plus d'ouverture et de liberté, à travers un spectacle basé sur un travail d'improvisation sur la calligraphie arabe. En même temps, son père, fin amateur de musique, lui faisait écouter des morceaux hétéroclites et, un jour, c'était l'opéra de Carmen et c'était pour elle un autre choc musical. A 18 ans, départ pour Paris afin de faire des études de biologie. Au bout d'une année, c'est la déprime et, très vite, elle abandonne tout pour suivre des cours de chant. Elle se retrouve dans un univers qui lui ressemblait: des séances d'écoute, de l'histoire de l'art et de l'éthno-musicologie. Tout allait bien jusqu'au jour où son père lui fait écouter Ya touyour d'Ismahène. Et là c'est le grand déclic. « C'était une chanson qui a ouvert une grande porte devant moi et a changé ma vie. Celle de cette dialectique entre ancien et nouveau, d'un côté, et entre Occident et Orient, de l'autre. Et c'était devenu mon sujet de recherche» Bien sûr, un départ pour l'Egypte était nécessaire: partir à la découverte ! Au Caire, elle décroche un boulot de journaliste à Al ahram hebdo et des cours de chant chez une grande dame, «Violette Makkar». C'est aussi des retrouvailles avec le jazz à travers la rencontre avec des musiciens de plusieurs nationalités. Jusqu'au jour où on lui propose La voix humaine, une pièce de 50 minutes, un monologue pour une seule voix. C'est la concrétisation de tout un travail de tant d'années, aussi bien sur la voix mais aussi sur le mouvement et la théâtralité. Le parcours de Alia Sallemi est ponctué de rencontres et de travail sur soi, elle se retrouve à repousser les limites de ses capacités vocales en l'associant au mouvement: travail sur le souffle, sur la respiration, pour retrouver les sons originels et comprendre ce que le mouvement apporte à la voix. Avec ce travail assidu sur la voix et, en parallèle, une âme de chercheuse sur cette dualité entre Occident et Orient, elle tombe, par hasard, sur tout un patrimoine oublié de chants orientalistes, et c'est une nouvelle aventure qui commence, couronnée par un spectacle avec Ali Sriti. Grâce à une audition ratée avec Gabriel Bakier, elle prend conscience que la démarche qu'elle a entreprise depuis tant d'années l'entraînait vers une approche plus contemporaine du chant et décide de rentrer à Tunis monter son propre projet et suivre sa voie déjà bien tracée. «Nafass» est un projet qui lui tient à cœur. Ce n'est pas un simple spectacle de chant religieux a capella, mais la concrétisation d'un parcours de toute une vie. Avec ces chants de 10 religions et en 17 langues, Alia Sallemi et ses compagnons marquent les esprits à chaque passage sur scène. Elle expérimente, fouine, cherche et tente des pistes inexplorées, toujours à la découverte de soi et à l'écoute de son instrument, son corps et sa voix. Son prochain rendez-vous, le 27 de ce mois à Mad'Art, est une date à marquer dans son agenda pour une immersion dans le sentiment religieux et les formes qu'il prend à travers des chants sacrés du monde, pour montrer enfin combien les âmes des hommes sont proches et comment elles chantent le divin pareillement.