Du haut de ses 29 ans, Meriem Azizi a plus d'une flèche à son arc. Cette fois, il ne s'agit ni de cinéma, domaine de ses études, ni de musique, sa première et principale passion, mais de photographie. «Les immuables, visions hyperréelles» est le nom de sa nouvelle exposition, dont les photographies investissent les murs de la maison de la culture maghrébine Ibn-Khaldoun jusqu'à la fin du mois. Les immuables sont ces mannequins inanimés que l'on met dans les vitrines pour nous vendre des rêves, une projection de soi conjuguée au «parfait». Ces clones ou aliens, comme les appellent Meriem Azizi, auxquels on donne de plus en plus des traits et un regard humains, sont pour elle l'expression d'une société évoluant vers le melting pot. Il s'agit d'une cinquantaine de photographies, une série de mannequins en vitrine consécutivement prises à Paris au Forum des Halles, à la Défense, au quartier indien puis à Toulouse. Installée en France, pour ses études de doctorat d'abord, Meriem Azizi en profite pour assouvir son hyperactivité artistique : la critique auprès de la Fédération africaine de la critique cinématographique, la photographie, la vidéo et une carrière parallèle d'auteur-compositeur-interprète, forgée par des années de conservatoire à Tunis, entre chant, luth et solfège, et par son intérêt pour les musiques turque, iranienne et andalouse. Elle évolue dans une carrière solo et au sein du duo Bostan, en compagnie du guitariste Ronan Vilain, mais garde quand même un pied dans l'enseignement, dans le domaine du français appliqué à l'audiovisuel. En ce moment, elle prépare son album et collabore avec Aljazeera children, en tant qu'assistant-réalisateur, pour une série scientifique. Comme elle le dit elle-même, c'est la musique et l'image qui la retiennent à la vie. Meriem Azizi a eu le déclic pour la photographie il y a dix ans, grâce à un atelier, lors du festival de film amateur de Kélibia. Elle n'a pas lâché cette passion et, à chaque fois, elle se laisse guider par sa sensibilité vers le sujet qu'elle photographie. C'est son observation de la société et des gens qui l'entourent qui l'a menée vers les mannequins, «immuables», et en même temps à l'image d'un contexte de «visions hyperréelles». Ils ne sont pas seulement un produit de la société de consommation, ils sont une projection de l'Homme, de ce qu'il veut être ou plutôt de ce qu'on veut lui faire croire qu'il veut être. Le support de cette projection, c'est la vitrine. Transparente comme elle est, elle permet jusqu'à la superposition de l'image de l'Homme et de celle du mannequin. Avec ses traits et son regard de plus en plus précis et ressemblant à ceux de l'être humain, ses habits et sa chevelure, il est comme nous… Il est nous ! La photographe s'amuse, de surcroît, à donner aux mannequins des personnalités différentes. Ils sont clichés dans plusieurs endroits, diverses postures et regardent dans toutes les directions. Le choix du noir et blanc pour ses photographies permet à Meriem Azizi d'aller à l'essentiel : les formes et le contraste clair/obscur, qui facilitent l'accès au message. La diversité apparente cache ainsi une uniformisation que l'œil du spectateur est appelé à saisir et à questionner. Il y a aussi, dans «Les immuables», une recherche sur les transformations que subissent les mannequins pour être identiques à l'Homme. Certaines photographies l'illustrent en mettant dans le même cadre un mannequin au visage neutre, un autre aux traits bien distincts et un sujet humain. Le mannequin serait-il le maillon perdu de la chaîne de l'évolution ?