Il fait froid à Paris en automne… Et pourtant, Wanlov the Kubolor ne change pas ses habitudes ghanéennes : il attend devant la Cité des Arts, pieds nus sur le bitume, et pagne autour de la taille. La légende voudrait même qu'il ne porte rien en dessous, à la manière écossaise… Né en Roumanie d'une mère roumaine et d'un père ghanéen, Emmanuel Owusu-Bonsu a débarqué très jeune au Ghana, où il a grandi. Etrange étranger, Wanlov cultive la différence avec délectation : il chante en twi, romani ou anglais, sur des beats électro reggae ou hip-life. Il est à Paris pour enregistrer son troisième album, plus personnel, qui racontera musicalement sa double appartenance. Depuis l'arrivée de Wanlov à Paris, les connexions ont marché à plein et par le biais de DJ Click, Wanlov a rencontré les Taraf de Haïdouks et improvisé avec des musiciens tsiganes du métro. Mi-octobre, il s'est aussi rendu à Budapest pour donner quelques concerts, et enregistrer avec de nouveaux musiciens. "Je ne suis pas tsigane, mais disons qu'au quartier, mes voisins et amis jouent cette musique et qu'en Roumanie, la musique populaire est celle des tsiganes". A la maison, sa mère lui fredonnait des berceuses en romani et son père jouait sur son pick up le meilleur de la soul et de la funk américaines. Adolescent, Emmanuel échangeait avec ses copains du quartier des cassettes de hip hop ou de tambours traditionnels. "Vous voyez, je ne suis que le produit de mon environnement !", ironise-t-il. Africain-gitan Lors de ses précédents albums, Green Card et Yellow Card, Wanlov the Kubolor avait surtout samplé les cuivres entêtants du high-life. Ici, il veut leur faire rencontrer les fanfares tsiganes. "Dans Brown Card, j'ai envie de faire un album qui raconte le parcours d'un Africain gitan. De montrer la similitude qu'il peut y avoir entre les instruments : par exemple, la flûte de bambou est l'ancêtre de la clarinette." A mi-chemin entre le traditionnel et les sonorités urbaines, le son Wanlov ne ressemble à aucun autre. Il appartient à l'écurie de Panji Anoff, le producteur urbain d'Accra, qui a contribué à la naissance du hip-life, une version contemporaine et samplée du high-life des années 50. Pigden Music, son label, regroupe des artistes variés qui réinventent à leur manière la musique urbaine ghanéenne. D'ailleurs, avec Panji Anoff, Wanlov the Kubolor a tourné Coz ov Moni, une fiction en forme de chronique chantée de la vie à Accra, où tous les dialogues sont rappés et la bande originale est le reflet de l'Accra actuelle. Kubolor, le vagabond aux pieds nus, porte un regard caustique sur la société ghanéenne. "J'ai appelé mon premier album Green Card, car j'ai vécu sept ans aux Etats-Unis et tout le monde y allait de son petit conseil pour obtenir le fameux papier ! Donc, à mon retour, j'ai enregistré cet album, Green Card, qui parlait des questions d'émigration". L'un de ses plus gros tubes au Ghana, Kokonsa, se moque des ragots qui se répandent comme une traînée de poudre à Accra… Yellow card est sorti pendant la Coupe du monde de football et en faisait son thème central. Le troisième disque de la trilogie, Brown comme la couleur métissée de sa peau, parlera de ses préoccupations du moment – les expulsions simultanées de Roms et d'Africains sans papiers de France. "L'actualité française réunit mes deux appartenances" ! Pour l'instant, il n'en est qu'à la première phase, celle de la création d'un univers sonore original, à équidistance de ses origines. Preuve à l'appui, avec des samples efficaces et un sens stupéfiant du rythme. L'été prochain, il espère pouvoir réunir sur scène un orchestre de musique tsigane et une formation traditionnelle ghanéenne, pour une rencontre live. Avec, comme trait d'union, des paroles de vagabond et un regard amusé sur les choses qui l'entourent. (RFI)