Malgré le fait que nous soyons quelque peu «abasourdis» par cette exposition insolite de Nadia Jelassi à Convas, intitulé : «Rupture d'assise», et malgré le fait que nous soyons de vieux historiens de l'art toujours aussi sensibles aux démarches plastiques originales, malgré tout cela, nous voudrions comprendre le travail de l'artiste et essayer d'être à l'écoute attentive de ce travail de N. Jelassi et essayer d'accompagner ce souffle nouveau et ce bruissement rigoureux qui en émane. En rupture de ban, pour ne pas dire… facilement de «bancs», Nadia Jelassi situe son travail plastique en dehors des chemins habituels de la peinture figurative orientaliste ou même réaliste locale ou internationale. N. Jelassi abandonne également les jeux des tendances abstraites ou autres, les supports, les surfaces, les corps, la nature, le portrait… En un mot, elle abandonne le tableau comme support et attitude pour fonder son approche sur l'investissement de nouveaux objets, certes insolites, mais quotidiens… concrétisés par les chaises… les chaises les plus banales et les plus habituelles… N. Jelassi prend artistiquement ses aises et ses libertés par rapport à ses références de Antoni Tapies et même par rapport à d'autres mais aussi par rapport à sa propre expérience de 2005 autour des pyjamas et «les trois boutons». Comment opère l'artiste par rapport à ces nouveaux objets sortis de la quotidienneté… ces chaises en rupture d'assise. Comment opèrent les éléments de cette structure scénographique montée de toutes pièces par des chaises de matériaux, couleurs et dimensions différentes. N'eût été le délabrement voulu et obtenu de ces chaises, nous aurions dit qu'il s'agit d'une fête rassemblant des chaises pour quelque cérémonie habituelle. En fait, nous constatons qu'il s'agit de 27 chaises, quelques-unes d'entre elles (une dizaine) contiennent des dessins très finement exécutés représentant avec minutrie neuf chaises. D'autres chaises représentées sous forme d'images numériques. Un tableau de peinture, peut-être à l'huile, figure en grand une chaise dans toute sa magnificence de chaise. Les chaises représentées subissent des modifications sous forme d'amputation des pieds, d'ablation de dossier ou d'assise. Les chaises ne peuvent plus se présenter sur leurs pieds, elles n'ont plus de «dossier», encore moins d'accoudoir et très souvent peu d'assise. Et pour paraphraser un peintre connu… «Ces chaises ne sont pas des chaises…» Elles sont dorénavant accrochées au mur de la salle d'exposition en une sorte d'installation ordonnée mais hybride et non rythmée d'éléments de chaise… d'éléments partiels mais tous accrochés au mur comme des tableaux… tels que les a compris Maurice Denis avec «des couleurs dans un certain ordre assemblé»avec des collages de bas féminin, de billets de banque de journal, de décorations et de toute autre fioriture. Malgré la «rupture» subie par les objets… les chaises, elle n'enlève rien à la préoccupation de l'artiste de créer des objets élaborés plastiquement et répondant à quelques intentions artistiques volontaires qui ont balayé toutes celles amputatoires. La rupture annoncée violemment par des actes artistiques et par le discours qui les sous-tend n'est pas définitive. La rupture est ostensiblement récupérée par le travail plastique multiforme au niveau de l'habillage des couleurs, des collages. L'accueil des dessins et leur aménagement au centre des éléments de quelque 10 chaises vides est manifeste. De nouveau, c'est le jeu du vide et du plein. De nouveau, les problèmes plastiques sont à l'heure du jour… Le tableau est de nouveau restitué, reconstitué… Le tableau est de nouveau accroché… et, pourtant, Nadia Jelassi nous a promis d'opérer une rupture qu'elle a préparée depuis assez longtemps… Nous sommes persuadés qu'elle tiendra toutes ses promesses… surtout celle de la liberté de créer et celle de tenter d'aller toujours plus loin dans la saisie artistique du monde… essentiellement et cette fois sans fioritude… en mettant à bas toutes les chaises et les pouvoirs qui s'y calent.