Le Sommet de l'Otan (Lisbonne 19-20 novembre) avait pour ordre du jour de redéfinir les objectifs de l'Alliance atlantique, en relation avec les nouveaux enjeux de l'ère post-guerre froide. Certains diront que l'Otan est ‘‘à la quête d'un sens'', depuis la disparition de l'ennemi qu'elle a combattu. Depuis lors, ses mécanismes de fonctionnement vivaient une conjoncture d'errance, sinon une pause de réflexion. Certains avaient cru pouvoir l'inscrire dans la vision réductrice, partisane et polémique du ‘‘choc des civilisations''. Elle a su éviter la dérive et a réagi, en mettant à l'ordre du jour le dialogue avec les pays de la rive sud de la Méditerranée (décision du Sommet d'Istanbul). Confirmant le rapprochement entre l'Alliance et les pays du Maghreb et du Proche-Orient, elle fait valoir sa volonté de développer avec eux sa coopération. L'invitation de la Russie au Sommet de Lisbonne s'inscrit dans la construction d'un nouveau partenariat stratégique. Nous y reviendrons. Les deux opérations effectuées par l'Otan dans l'ex-Yougoslavie et l'Afghanistan s'inscrivaient dans une politique de gouvernance mondiale. Prenant le relais de l'ONU, elles se proposaient d'assurer l'exécution militaire des décisions de l'establishment international effectif. Cette stratégie a permis de rétablir un certain ordre dans les Balkans et d'assurer la coexistence des Etats issus du démembrement de la Yougoslavie. Par contre, les opérations d'Afghanistan n'ont pas eu de résultats probants, de l'aveu des acteurs sur le terrain. Montée des périls, la guerre continue à faire rage, avec ses tragédies humaines et ses morts d'hommes quotidiens. Pis encore, le terrorisme qu'elle devait subjuguer a connu un développement territorial grave, avec son extension au Pakistan. Est-ce à dire que l'option militaire privilégiée ne pouvait tenir lieu de solution politique ? De fait, l'intervention étrangère a suscité un phénomène de rejet, tout en s'accommodant d'un projet de société rétrograde et d'une économie parallèle, sauvegardant le commerce de la drogue. Il était dans la logique de la géopolitique que l'Otan prenne acte de la situation et adopte un planning d'évacuation. Ratifiant la décision prise par le Président Obama, les 28 chefs d'Etat et de gouvernement réunis à Lisbonne ‘‘ont donné leur aval à une stratégie de sortie d'une majorité de leurs 150.000 soldats à mesure que la responsabilité des combats sera transférée à l'armée afghane, tout en s'engageant à soutenir à long terme le gouvernement de Kaboul''. Ce passage de relais devrait débuter au plus tard l'été 2011, et se poursuivre jusqu'à la fin 2014. ‘‘Nous avons lancé le processus par lequel le peuple afghan va redevenir maître de sa propre maison'', a déclaré Anders Fogh Rasmussen, le secrétaire général de l'Otan. Mais que le langage diplomatique ne nous trompe pas. Il s'agit plutôt de prendre acte de l'échec de l'intervention militaire. Retour au point de départ, les Afghans doivent engager le processus politique de construction d'un consensus d'une gouvernance indépendante, réalisant l'entente, la culture de la paix et la promotion des habitants. La dynamique interne devrait faire valoir le retour à ces normes, excluant, il va de soi, le terrorisme. Autre question primordiale traitée, il s'agit d'adopter un nouveau concept stratégique, qui devrait permettre d'assurer la mue de l'Otan, ou du moins son adaptation à la nouvelle donne internationale. L'objectif plus général, a déclaré M. Rasmussen, est aussi de définir à ce sommet ‘‘la direction que va suivre l'Alliance dans les 10 prochaines années'' pour la rendre ‘‘plus efficace, plus engagée dans le monde que jamais auparavant''. Dans ce cadre, le Sommet de Lisbonne a adopté le projet d'un bouclier antimissile destiné à protéger les populations d'Europe. Il s'agit de faire face aux nouvelles menaces (cyberattaques, terrorisme, prolifération balistique et nucléaire, sécurité des approvisionnements énergétiques, etc.). Le Sommet Otan-Russie, qui a eu lieu le 21 novembre, et l'invitation de la Russie à collaborer au système de défense antimissile montrent que l'Otan a cessé de l'identifier comme une menace. ‘‘Notre sécurité est indivisible'', a déclaré M. Rasmussen devant les 29 participants, dont le Président Dimitri Medvedev. Bernard Guetta parle, à juste titre, d'un ‘‘nouveau front international, qui se cherche''. Il se hasarde même à annoncer que ‘‘les vieilles puissances se rapprochent face aux nouvelles'' (Géopolitique, France Inter, 22 novembre 2010). En fait, dans cette conjoncture, le nouvel ennemi n'est pas défini. L'évocation de l'Iran, cité hâtivement par l'un des participants comme menace susceptible de mettre en péril les forces militaires de l'Otan, ne paraît pas crédible. Ne s'agit-il pas d'un leurre destiné à brouiller les cartes, à cacher les vrais desseins ? Certains dirigent leur regard vers l'Asie et vraisemblablement la Chine. Néanmoins, rien ne permet de faire valoir cette probabilité dans le monde actuel où la confrontation est, pour le moment, essentiellement commerciale et monétaire.