A l'occasion de la commémoration du premier anniversaire de la disparition de Zoubeïr Turki, la municipalité de Tunis a rendu, avant-hier après-midi, un vibrant hommage à cet artiste, peintre, dessinateur, caricaturiste, illustrateur, sculpteur, qui n'a jamais cessé jusqu'à la fin de sa vie de représenter la Médina avec amour et humour. Noir de monde, le grand hall du Palais de la Ville a réuni tous les proches et amis de Zoubeïr Turki, qui l'ont accompagné dans son long itinéraire artistique, dans ses joyeuses soirées de discussions sur l'art et la vie, dans son engagement en tant que conseiller municipal pour une belle Médina et pour un plus grand rayonnement des arts plastiques tunisiens ici et à l'étranger. M. M. Foued M'bazaa, président de la Chambre des Députés, Raouf Basti, ministre de la Culture et de la Sauvegarde du patrimoine, Béji Ben Mami, maire de Tunis, Raja Farhat communicateur, Ali Louati, critique d'art ont ensemble rappelé à quel point Zoubeïr Turki représentait pour tous une mémoire, une encyclopédie vivante de la vieille ville. Né en 1924 dans la Médina, il a incarné l'un des derniers piliers de l'Ecole de Tunis. Entre l'Ecole des Beaux-Arts de Tunis et l'Ecole des Beaux-Arts de Stockholm, il accumule dans les années quarante une formation académique qui lui ouvrira des horizons multiples : journaux, livres, fresques, peintures…Il aborde également avec bonheur l'univers du théâtre en collaborant avec l'illustre Aly Ben Ayed sur la pièce Mourad III (écrite par Habib Boularès) en tant que concepteur des costumes, des accessoires et des décors. L'exposition d'une trentaine d'encres de Chine, de dessins et d'aquarelles de l'artiste (collection de la municipalité) présentée avant-hier soir dans la salle des fêtes de l'Hôtel de Ville a démontré à quel point ce conteur né pouvait nous émouvoir par une figuration narrative, descriptive et populaire. La justesse du trait du dessin, l'étonnant rendu du portrait, le sens de l'humour de ses personnages puisés dans le fond des métiers et des spécificités culturelles de la vie traditionnelle tunisoise font de lui un peintre de la transmission et de la mémoire, qu'il veut à tout jamais vivaces. D'«Ommok Sannafa», à la «Hannana» et au «Cheikh de la Zitouna», les dessins de Zoubeïr Turki sont reconnaissables entre tous. L'artiste Feryel Lakhdar, commissaire de la grande exposition hommage au peintre et dessinateur organisée en 2008 à la galerie Gorgi explique : «Son idée consistait dans la nécessité de trouver un dessin et un graphisme qui soient arabes. Pendant des siècles, la figuration a été quasi interdite dans nos contrées. Il fallait donc l'inventer en retournant aux sources de l'héritage arabo-musulman. C'est ainsi qu'il a trouvé le langage qui imprègne son œuvre». Parmi ses œuvres les plus connues, citons la statue d'Ibn Khaldoun, sur l'avenue Bourguiba et la fresque qui couvre le hall d'entrée de l'Ertt. Aux derniers mois de sa vie, l'artiste s'acharna à réaliser un rêve qui le taraude, créer son propre musée dans sa demeure à Radès. Avant-hier soir, le ministre de la Culture et de la Sauvegarde du patrimoine a promis que ce projet verra prochainement le jour… En 2008, Zoubeïr Turki a reçu le Prix du 7-Novembre de création artistique.