Dans le cadre des Rencontres audiovisuelles Tahar Chériâa, qui ont eu lieu du 5 au 9 janvier à Sayada, en hommage à l'un des pionniers du cinéma tunisien, un colloque s'est tenu sur différents thèmes concernant l'écrit et l'image. Après une première séance du samedi qui a traité de la littérature entre livre, cinéma et télévision, et du travail de feu Tahar Cheriâa dans la littérature et l'art, une deuxième séance a eu lieu le dimanche, pour discuter de l'importance et de l'influence de l'image, de plus en plus évidentes dans l'évolution des sociétés. (Voir notre article paru le 11/1/2011). Lire une image Chargé par l'Union des Radios des Etats Arabes (ASBU), Kamel Ben Ouanès, critique d'art et universitaire, est intervenu lors de ce colloque sur «la pédagogie de l'image». Il a commencé par rappeler la relation que Tahar Cheriâa entretenait avec le cinéma. Ce dernier ne se positionnait pas uniquement en tant que spectateur, mais surtout en tant qu'éducateur. Il défendait la présence de l‘image dans les écoles pour apprendre aux jeunes le débat constructif et le respect de l'autre. Le cinéma et la pensée ne font qu'un, disait-il toujours. Aujourd'hui, a ajouté K. Ben Ouanès, nous vivons dans un désordre total d'images, pas toujours innocentes, qui viennent de toutes parts. Le consommateur, submergé, réagit désormais, en créant les siennes. Résultat : une nouvelle forme d'aliénation s'est créée. Et, à part la télévision qui, dans cet état de fait, doit savoir jouer son rôle de communicateur entre l'individu et la société, l'école doit absolument intervenir en consacrant tout un programme pour l'éducation audiovisuelle. L'élève doit apprendre à décoder les images, pour élargir sa vision du monde. «Pourquoi ne pas créer les cahiers pédagogiques du cinéma et de l'audiovisuel ?» propose le critique d'art. La «médiamorphose» Quant à Néjib Ayed, universitaire et conseiller à l'Alecso, il a parlé dans son intervention de la relation tendue entre l'école et les médias. N. Ayed se rappelle qu'à l'époque où il était à l'école, on leur interdisait de lire les revues et les journaux. Après s'être longtemps demandé pourquoi, il a enfin compris : l'école considère que les médias sont son principal concurrent, étant donné qu'ils sont censés jouer le même rôle dans la culture et l'éducation. Qu'elle soit loyale ou déloyale, cette concurrence pourrait voler son public à l'école. D'ailleurs, le pire que cette dernière craignait, n'est-il pas déjà arrivé ? Combien de temps est-ce que les jeunes consacrent à regarder la télévision ? Dans le monde, le nombre d'heures de passivité devant le petit écran est effroyable. Pour expliquer ce que l'école reproche à la télévision, l'intervenant s'est basé sur les propos d'un chercheur. Ce dernier assure qu'il y a un doute sur la connaissance que transmet la télévision. Celle-ci est sans morale, explique-t-il, sa fonction se limite au divertissement, elle profite d‘un public dépourvu du sens de la critique pour renforcer sa passivité et le pousser à la consommation. Son but est purement lucratif, contrairement à l'école dont la mission est on ne peut plus noble. «Pour remédier à la situation, il faut éduquer aux médias, faute d'éduquer avec les médias», a déclaré l'universitaire. Avec l'arrivée des nouvelles technologies, l'école pourrait enfin gagner la compétition. De toute façon, cette dernière n'a plus le choix. Aujourd'hui, son public a changé. Il s'appelle désormais «la digital génération» ou la génération du numérique. La «médiamorphose» a eu lieu. Et c'est autour de l'école de se métamorphoser pour être au même niveau que ses élèves. Pour ça, une autre école devrait ouvrir, celle pour les enseignants. Les recommandations La première édition des Rencontres audiovisuelles Tahar-Cheriâa et le colloque organisé dans le cadre de la manifestation ont abouti aux recommandations suivantes : - Maintenir ce rendez-vous et élargir cette manifestation pour la transformer en Rencontres internationales. - Aider le Club audiovisuel Tahar-Cheriâa à approfondir ses études et ses recherches, et notamment dans son travail concernant la relation du secteur audiovisuel avec la société et l'école. - Inviter à la création d'une chaîne de télévision spécialisée dans le domaine culturel. - Appeler toutes les parties concernées à collaborer pour la mise en place d'un programme d'apprentissage d'analyse de films et de débats en vue de sensibiliser les jeunes à une communication libre et respectueuse du point de vue de l'autre. - Intégrer au programme des rencontres, une participation étrangère et inviter des organisations internationales capables de donner une ampleur plus importante à la manifestation. - Penser, avec l'aide de l'Asbu, à faire participer le Club audiovisuel Tahar-Cheriâa aux congrès internationaux et aux manifestations audiovisuelles, et proposer le Catac comme observateur, en vue d'éventuelles collaborations. - Mettre en place une stratégie de financement pour développer ces rencontres et leur assurer un meilleur rayonnement.