•L'Espace Zmorda, enfoui dans un verger luxuriant, fête le premier avril prochain une année d'existence. Sa démarche qui mêle bien-être et culture semble inédite sous nos cieux. Visite des lieux et rencontre avec la fondatrice de l'espace, Khadija Lasram Kamoun Lorsque le visiteur franchit la grande porte de l'espace Zmorda, à La Soukra et traverse son verger planté d'eucalyptus, de palmiers, d'orangers et de citronniers verdoyants et croulant sous le poids de tonnes de fruits gorgés de soleil, il ne peut que réviser ce qu'il sait sur le nom de l'espace. «Zmorda, émeraude : pierre précieuse, emblème de pureté, porte-bonheur, symbole de la connaissance. Son vert lumineux exprime l'harmonie, l'amour de la nature et la joie de vivre». La fondatrice de Zmorda, Khadija Lasram Kamoun, a pensé ce nom en fonction du concept qu'elle prédestinait au lieu. A savoir ce lien délicat qui rattache l'esprit aux sens et au bien-être. Le concept et dans son sillage tous les détails du projet ont longuement mûri dans la tête de cette dame qui n'a rien d'une novice dans le domaine de l'animation culturelle. Ayant dirigé le club Tahar-Haddad dans la Médina de Tunis pendant près de trente ans, elle connaît le public tunisien, ses attentes et ses besoins, mieux que quiconque. Elle détecte une curiosité nouvelle pour le bio, les plantes médicinales et des disciplines de concentration et de gestion du stress comme le yoga, la sophrologie, la réflexologie… Elle décide alors de mêler le bien-être, à savoir le sport et la relaxation au plaisir des sens (arts culinaires notamment) et à la dimension culturelle, et de gagner par la même occasion à la cause des arts et de la pensée un public nouveau. Un espace contemporain et ouvert sur la lumière Née dans la Médina, dans les murs du magnifique palais, Dar Lasram, l'ex-directrice du club Tahar-Haddad, a refusé de reprendre ici une architecture traditionnelle introvertie. Elle choisit plutôt avec son architecte Mémia Taktak des lignes minimalistes et pures, des volumes contemporains et très ouverts, dont la transparence introduit toute la luminosité du jardin, grand de plus d'un hectare, à l'intérieur. Au bassin d'O, au Carré d'art, au jardin gourmand et à la bulle des sens. Elle confie : «La médina, je la porte en moi, elle m'enrichit. Je n'ai pas besoin de la transposer là où je vais. Même la démarche à Zmorda est complètement différente de mon travail au club. Elle est beaucoup plus ancrée dans le présent. Et puis m'embarquer, loin du déjà-vu, dans de nouvelles aventures professionnelles, m'a toujours interpellée. J'ai la bougeotte culturelle». L'espace Zmorda fête dans quelques jours une année d'existence. Une année jalonnée de manifestations ciblées : conférences- débats sur le bien- être, présentations de livres (dont celui de Samir Sallami, «Sfax à la carte», ou encore celui du Dr Zouaoui sur «Le traitement des maladies par les plantes», concerts de musique, expositions (dont celle organisée pour Nino Rossi sur le thème du «Doute et certitudes»), présentation de produits de l'artisanat et de l'agriculture bio, projections... Les ateliers de théâtre, d'art floral japonais, de cuisine gastronomique ou encore de céramique et de poterie semblent aussi avoir rencontré un public intéressé. Au fur et à mesure qu'elle avance, Khadija Lasram Kamoun expérimente des idées. Certaines marchent, d'autres moins.«La télé a-t-elle tué le cinéma ? Pourquoi alors les séances de projection de films tirés de romans comme L'amour au temps du choléra ou encore Les cerfs-volants de Kaboul ont-elles attiré si peu de monde ?», s'interroge-t-elle. Le premier Salon de la littérature tunisienne En tout cas, cette année, elle compte développer encore plus le volet artistique de Zmorda. Le Carré d'art, espace agrémenté d'un piano à queue et qui, grâce à ses baies vitrées, happe la lumière, les arbres et le jardin japonais de partout, se prête bien à cet esprit d'échange et de «partage culturel», qui anime la fondatrice des lieux. Le programme qu'elle prévoit pour le mois d'avril sera mis sous le signe de la littérature et de l'art pictural. Elle compte organiser du 23 au 25 avril le premier Salon de la littérature tunisienne. Manifestation qui sera annuelle, permettant aux lecteurs de rencontrer les auteurs, de discuter avec eux mais aussi d'acheter les dernières parutions de cette production éditoriale riche aujourd'hui de noms importants de romanciers, d'essayistes, de nouvellistes et aussi de maisons d'édition de grande qualité. L'ancienne directrice du club Tahar-Haddad fait partie depuis 1994 du jury du Prix Zoubeida-B'chir dédié aux écrivains femmes tunisiennes. Chaque année, elle découvre des cuvées intéressantes, des talents prometteurs. Mais qui restent peu médiatisés… Autres rendez-vous qu'elle annonce pour les mois d'avril, mai et juin, trois séries de rencontres sur l'art contemporain, qui seront accompagnées de projections pour déchiffrer une expression plastique encore mal comprise par une grande tranche du public tunisien. La première communication sera présentée le 17 avril par Mahssouna Sallami, céramiste, spécialiste de l'esthétique et enseignante à l'Institut des Beaux-Arts. «Je veux donner aux gens les outils pour comprendre les nouvelles approches de l'art, qui mieux que tout reflètent notre présent, notre actualité, notre époque», affirme Khadija Lasram Kamoun. A Zmorda, la saison s'achève en beauté, sur une touche de rêve et d'escapade dans l'imaginaire des mille et une légendes de Tunisie. C'est dans le cadre féerique des jardins que la maîtresse des lieux veut organiser, avec l'arrivée de l'été, le Festival des contes et des conteurs. Une initiative sur laquelle elle réfléchit depuis bien longtemps et où elle compte associer des artistes conteurs venus des quatre coins de la Tunisie… Dehors, les peupliers dont la cime frémit dans la brise matinale de cette douce journée de printemps attendent déjà le public pour un voyage dans l'univers des mythes et légendes de notre terroir…