L'Annuaire encyclopédique, IEMed de la Méditerranée, 1910, qui vient d'être publié, est une œuvre magistrale, fort précieuse pour faire le bilan du partenariat euroméditerranéen. Rassemblant 63 éminents spécialistes, elle transgresse le simple diagnostic, puisqu'elle présente un état des lieux, identifie les pesanteurs, les conditions sine qua non dans certains cas, et évalue les scénarios d'avenir, en relation avec les attentes des populations de l'aire. Encore une fois, l'Iemed fait œuvre utile, sous la direction de l'ambassadeur Senen Florensa, grand expert de la Méditerranée et grand connaisseur du Maghreb. Signalons que ce directeur du projet a voulu éviter tout discours politiquement correct, tout langage de bois, pour engager les auteurs à ouvrir le débat, susciter les controverses, présenter la diversité de leurs opinions et conjuguer une approche multidisciplinaire fort pertinente. Dans sa préface, Senen Florensa, le directeur général de l'Iemed, montre la voie. Il reconnaît courageusement que le blocage du processus de paix, qu'il explique diplomatiquement par ‘‘les faits des dynamiques internes'', a constitué une ‘‘impasse qui a particulièrement entravé le déploiement institutionnel'' de ‘‘L'Union pour la Méditerranée : processus de Barcelone''. Nous relevons aussi l'intérêt prioritaire qu'il accorde dans sa vision globale du projet à ces deux facteurs : l'emploi et l'investissement qui dit-il, à juste titre, ‘‘conditionneront la capacité, à long terme, de la région à surmonter une crise, qui pénalise les pays méditerranéens, à des rythmes divers''. De ce point de vue, Senen Florensa occulte les priorités sécuritaires et anti-migratoires, qui ont marqué le discours des partenaires européens. L'étude de l'environnement du partenariat a été traitée comme une donne de réalisme politique, le constat d'un état de fait, d'un jeu d'acteurs : l'examen de l'interférence de la politique étrangère américaine est pris en considération et traité par Stuart E. Eisenstadt, l'auteur du projet du partenariat américain avec le Maghreb. Eugenio Bregolat Obios identifie l'influence de la Chine dans l'aire et fait valoir la nécessité pour les pays riches de l'Union européenne ‘‘d'offrir de meilleures conditions, que la Chine, en commençant par ouvrir leurs marchés agricoles''. Sans être ignoré ou surévaluée, le traitement de l'impact de l'Iran sur l'aire méditerranéenne tient compte de l'appréciation différentielle des deux rives et affirme, en conclusion solennelle: ‘‘Aujourd'hui plus que jamais, l'UE doit faire preuve de cohérence à la table des négociations internationales car la majeure partie du nouvel ordre naissant prend forme aux portes de la région euroméditerranéenne'' (approche d'Anoushiravan Ehteshani). Nous souscrivons à cet appel, qui aurait dû aborder le débat sur les différences de vision du danger nucléaire des différents acteurs de la région. Constat de consensus des auteurs, l'œuvre collective fait valoir que la Méditerranée est une priorité absolue pour l'Europe. Prenons la juste mesure de ce constat, une évidence pour les observateurs du Sud, qui regrettent qu'une aile dominante de l'UE privilégie l'axe oriental et considère le Sud comme simple périphérie. Nous ne nous attarderons pas sur les papiers, bien judicieux, consacrés aux effets de la crise économique. Nous y reviendrons, lors de l'examen des effets complexes de l'ouverture commerciale, de la rupture de certains équilibres fondateurs, et des rapports économiques asymétriques. L'étude des relations Israël-Palestine était unilatérale. Elle a été heureusement compensée par Antonio Segura, qui a rappelé des données significatives oubliées par le premier auteur : le rapport Goldstone, la crise de la flottille de paix, le dommage collatéral sur l'UPM. Le thème essentiel, l'UPM, a été traité par Senen Florensa, ‘‘militant'' de la cause euroméditerranéenne. Tout en présentant les bénéfices attendus de l'élan actuellement insuffisamment dynamisé, dans le contexte du blocus du processus de paix, en faisant valoir les projets pertinents mis en œuvre, il remarque, que ‘‘cette obsession des six projets d'envergure risque de nous amener à oublier la vision globale du partenariat''. Partageant ces vues, nous estimons que l'UPM doit se redéfinir, pour mettre à l'ordre du jour une vision globale, un programme ambitieux de codéveloppement et de solidarité, développant le partenariat dans ses différents axes. Nous y reviendrons pour examiner les conditions du dépassement du statut actuel de ‘‘l'UPM, processus de Barcelone''. Ce qui nécessitera de surdimensionner ses ambitions.