El Watania est le nouveau nom de la chaîne publique (ex-Tunisie 7), une appellation décidée dans l'urgence et qu'on pourrait revoir ultérieurement. Depuis le 14 janvier 2011, jour mémorable de la chute du tyran, c'est la déferlante des tables rondes : dans un studio étroit, des invités de tous bords, qui se sont tus pendant 23 ans, viennent chaque jour — explosion de la parole oblige — débiter des discours sur la liberté, la démocratie, la dignité, et patati et patata, pendant que les valeureux acteurs et héros de la révolution, entre jeunes, femmes et hommes de Sidi Bouzid, Kasserine, Bouzayane, Rgueb, régions d'où sont parties les premières étincelles de la révolution tunisienne, livrés à eux-mêmes, attendent, sans doute, qu' El Watania daigne organiser un plateau en direct de ces contrées et donne, ainsi, la parole aux citoyens afin qu'ils exposent leurs problèmes et leurs conditions de vie minées par le chômage, la misère, la corruption, l'injustice, l'oppression, etc. Et qu'ils expriment, également, leurs attentes et aspirations, ici et maintenant, car il urge de trouver des solutions économiques et sociales dans toutes ces régions, des plus pauvres et des plus déshéritées du pays. Certes, débattre librement après plus de deux décennies de frustration est tout à fait normal, mais il est, par ailleurs, plus que jamais nécessaire que la chaîne publique rompe avec les anciens réflexes, devenus quasi –pavloviens, et fasse en sorte que la télé publique donne surtout la parole à la Tunisie d'en bas et pas seulement à ceux qu'on appelle l'élite. Cela pour ne pas reproduire les erreurs du passé, d'être sur le terrain à l'écoute du peuple et de s'engager, une fois pour toutes, sur la voie de la proximité, choix le plus idoine pour que El Watania joue son rôle de miroir de la société. El Watania : bannir les anciens réflexes Après les plateaux improvisés dans l'urgence, façon centre d'appels, les satellitaires locales commencent aujourd'hui à trouver leurs repères et leur voie en optant pour des émissionsthématiques, entre débats politique, économique, juridique, culturel, ayant toujours trait à la révolution et à l'avenir du pays. Des plateaux animés par des politologues, sociologues, historiens, artistes, journalistes et autres spécialistes de tous bords. Cela, sans compter les entretiens très édifiants avec des penseurs qui ont analysé la situation politique au passé et au présent tout en exposant et expliquant les multiples voies du processus démocratique. Les voies les meilleures, pour ancrer une démocratie libérale, tel l' excellent entretien réalisé par Insaf Yahyaoui avec le juriste Hamadi Rdissi, dans l'émission Chahed wa Chawahed, sur El Watania. Maintenant, quelques mots concernant le journal télévisé : disons qu'il est toujours présenté par les mêmes figures imposées par le régime de Ben Ali, et que la manipulation n'y a pas totalement disparu , puisque un jeune des comités de quartiers a été présenté et désigné, grâce à un honteux montage, comme l'un des miliciens arrêtés par la police. Or, ce jeune était là, juste pour acheter du pain. Celui-ci a révélé le pot aux roses en postant une vidéo sur facebook où il explique toute la vérité pour se laver de tout soupçon. Y a-t-il eu réaction des responsables du JT ? Se sont-ils excusés ? Non bien sûr. Ainsi, on le voit, les anciens réflexes ont repris le dessus : aucune excuse pour ce montage pernicieux et manipulateur fabriqué on ne sait trop pourquoi. Peut-être pour nous faire croire que la sécurité est bel et bien revenue dans le pays. Certes, on remarque, malgré tout, un léger mieux dans les JT, puisqu'on donne davantage la parole aux jeunes et aux citoyens,mais il n'en demeure pas moins qu'il est possible de mieux faire, en allant sur le terrain, afin d'être proche du citoyen. Nous savons que le chemin n'est pas évident après plus de deux décennies de censure et de langue de bois. Mais pour réussir à produire une information libre, il est nécessaire de faire participer toute le monde au JT, notamment les jeunes, lesquels, grâce à leur fougue, compétence et talent, peuvent tant donner et contribuer à la réussite de l'exercice d'une information libre. Le JT d'El Watania devrait profiter de ce souffle de liberté qui parcourt tout le pays en bannissant les anciens réflexes pour réussir à asseoir une information libre et démocratique.