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Pourquoi voter (2e partie)
Publié dans La Presse de Tunisie le 12 - 10 - 2011


Par Samir Mestiri
Substituer le quoi et le qui au pourquoi voter, c'est là un quiproquo très fâcheux ô combien significatif et qui en dit long sur la vision que l'on continue à se faire de la politique de spectacle associée au deus ex machina des temps modernes, ces stars gominées de la politique show, ces beaux parleurs, ces faiseurs de miracles socioéconomiques et illico presto s'il vous plaît (les fameux magiciens de « tawa » qui, tels des requins affamés, cachent à peine leur soif du pouvoir)‑: suppression du chômage, prompt rétablissement de l'équilibre régional, l'amélioration du pouvoir d'achat de la classe très très moyenne, et j'en passe ; de l'autre côté, on promet des dizaines de houris vierges, des fleuves de miel et une « majorité rassurante »… Que de promesses alléchantes, mais rien que des promesses, promettre est ce que les hommes politiques de tous bords et de bon acabit savent faire le mieux, pour ne pas dire autre chose. C'est la curée…
En fait, cette liberté affichée en surface est en contradiction avec elle-même puisque l'Etat salvateur que tous veulent construire n'est pas pour tous, encore moins pour les déshérités, les sans-sous, « les sans-culottes » qui sont légion à cause de la politique de paupérisation de l'ancien régime qui a su bâtir ses richesses colossales sur le dos des pauvres transformés en âmes errantes dans les rues des grandes villes, quémandant ici une cigarette, là un café et, pour les plus chanceux, un chapati chaud...
De même, la démocratie muée en idéologie mystificatrice n'est pas une condition nécessaire pour déterminer rigoureusement la nature d'un régime politique. Il s'agit plutôt d'un discours fallacieux mis au service d'un pouvoir occulte, en général, celui des plus puissants (la ploutocratie). La démocratie telle qu'elle est conçue et défendue par nos partis (avec ou sans programme, quelle importance cela peut-il avoir, puisqu'ils se valent tous, à quelques différences près) n'est qu'une représentation biaisée et tronquée de la réalité tunisienne. Cette démocratie est, selon Noam Chomsky, une «fabrique de consentement» qui, au moyen des médias privés et étatiques, arrive à façonner, à modeler — comme une poupée d'argile — la pensée dominante qui n'est autre que celle du pouvoir en place. En définitive, le peuple toujours usurpé et escroqué — car il s'agit d'une escroquerie constitutionnelle — va reproduire à son insu les schèmes imposés par ses chefs, les véritables matadors de la plaza. Est quelque peu vague et pneumatique donc tout ce que proposent tous ces partis en compétition qui ne pensent qu'à la conquête de nouveaux marchés électoraux, pour parler en termes de rentabilité et de profit immédiat.
Tout dans leurs discours approximatifs et souvent tâtonnants n'est pas sans rappeler les formules toutes faites et les boniments mystificateurs des commerçants de camelote chinoise qu'on voit maintenant partout derrière des étalages de fortune et qui sont prêts à toutes sortes de sacrifices incendiaires pour sauver leurs marchandises. Cette concomitance entre les partis vendeurs et les vendeurs à la sauvette mériterait d'être examinée ultérieurement… D'ailleurs, le plus grand vendeur du pays n'a pas hésité à se sauver quand il n'avait plus rien à nous vendre. En fait, ce que ces fins politologues perçoivent de la réalité tunisienne, c'est tout juste un pan sans perspective d'ensemble. L'angle selon lequel ils nous observent est obtu, voire étriqué. Ils voient à peine ce que les autres voient, ils entendent mal ce qu'ils entendent. Ils prétendent tout savoir sur l'économie, la religion, la culture, en réalité, ils ne savent rien ou presque. Pétris eux-mêmes d'écrasantes chimères qu'ils portent sur le dos comme des forçats aveugles, ils croient que la réalité est faite à leur image, mais ils oublient que le monde qui les entoure évolue tous les jours et qu'il est loin d'être monolithique. Le dynamisme est sa qualité première...
Jamais un homme politique ou religieux — quand les deux s'emmêlent, cela risque de tourner au méli-mélo inextricable —ne vous dira le fond de sa pensée, encore moins quels sont ses bailleurs de fonds. Jamais il ne vous dira que le pouvoir du « peuple » dont on se réclame est en réalité le pouvoir d'une partie du peuple (5 pour cent au plus), la plus influente, celle qui peut offrir des sous aux partis en lice ( on en dénombre à l'heure actuelle une centaine ) pour qu'ils puissent financer leurs campagnes électorales, louer des locaux, offrir des dons en nature pour les familles démunies… Jamais il ne vous dira que cette démocratie arithmétique reposant sur une logorrhée démagogique et une culture de pacotille, une fois pacifiée et mise en route (même les pires monarchies n'excluent pas la liberté d'expression qui est souvent utilisée comme soupape de sécurité), se transformera en tyrannie comme l'ont prouvé longuement et largement les deux règnes précédents de la Tunisie indépendante depuis 1956 et où la réalité du petit peuple était simplement scotomisée…
Combien de régimes despotiques et mafieux sont ainsi parvenus au pouvoir par la voie des urnes ; les exemples ne manquent pas dans l'histoire contemporaine, depuis Hitler jusqu'à la République islamique d'Iran en passant par les Etats-Unis, la Chine, la Russie... Autrefois, on montait sur le trône par la force ou par la voie successorale; aujourd'hui, c'est le peuple lui-même qui, à l'image de Job, choisit sciemment son chef persécuteur. Toute la différence est là : elle est dans la forme et non dans le fond…
L'essentiel, croyez-moi, est de glisser, au pied levé, s'il le faut, ce bulletin dont certains (les « esprits endormis »), comme les appelle Alain, seront incapables de déchiffrer le contenu sibyllin. En m'en délestant de cette façon et au plus vite, il s'agit pour chacun d'entre nous de sauver la démocratie et, surtout, de tracer la voie de la première République post-Zaba (il n'est plus très loin ce temps-là : beaucoup de nostalgiques du pouvoir fort se pourlèchent déjà les babines comme de vieux macaques). Or, le vote irréfléchi tant souhaité par les dieux cachés — voter par réflexe pavlovien est toujours préférable à l'abstention car s'abstenir est boycotter, donc ne pas reconnaître ce type de démocratie fallacieuse — est inconséquent tout comme le vote orienté, d'ailleurs. Dans les deux cas, les électeurs manipulés comme des automates risquent d'abdiquer au profit d'une majorité tyrannique qui ne cherche qu'à dominer, écraser, écrabouiller le peuple des Gamma et des Delta comme les appelle Aldous Huxley dans son livre visionnaire Le Meilleur des mondes où la dictature serait parfaite puisqu'elle aurait toutes les apparences d'une démocratie. En réalité, le monde consumériste dont nous rêvons cache un système d'esclavage biaisé où, grâce à la consommation, au progrès technique et au divertissement, les esclaves de l'Etat-monde auraient l'amour de leur servitude. N'en déplaise enfin à Machiavel qui établissait dans son livre Le Prince (Chap. 6) « que le peuple désire ne pas être commandé ni opprimé des grands, et que les grands désirent commander et opprimer le peuple.»
Que faire alors ? Cultiver son propre jardin comme le propose Voltaire dans Candide (dernier chapitre), s'enfermer dans son propre système nécropole, brader sa liberté de citoyen responsable et vivre coupé du monde et des hommes ou simplement agir directement au lieu d'élire comme le proposent les spartakistes ? Car s'il faut élire des représentants du peuple qui ne feront que nous promettre des châteaux en Espagne, il y a de quoi se poser des questions sur cette démocratie précaire comme un feu de paille…
Plutôt que d'être un jouet mignon entre les mains des puissances argentées sans scrupules, il faudrait faire comme Socrate : se tenir libre et être toujours prêt à saisir chaque chose comme elle — les utopies sont souvent meurtrières —, examiner le monde comme s'il était né d'hier, ne jamais se lasser de comprendre et de croire qu'on ne sait rien. Ne manquer jamais d'ébranler les systèmes idéologiques qui tendent à asservir l'individu pour en faire un vulgaire consommateur de prêt- à- penser. Rester naïf et ouvert comme Candide car les conclusions, ce n'est pas le plus important. Rester éveillé et vigilant, se méfier surtout de ces « marchands de sommeil », ces vautours implacables, qui ne cherchent qu'à vous embobiner et à vous enfermer dans leurs systèmes arachnéens. Le plus important, c'est de croire que toute idée devient fausse au moment où l'on s'en contente…


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