L'économie tunisienne souffre-t-elle ? Assez, trop ou démesurément ? Une question que tout le monde ou presque pose à brûle-pourpoint. En fait, au-delà de la liesse populaire légitime, les gens semblent plutôt inquiets côté économique. Et pour cause. Comme on l'écrivait sur ces mêmes colonnes il y a deux jours, dans toute révolution, il y a confusion. Le ministre de l'Intérieur avait déclaré lundi dernier que les pertes enregistrées sur le plan macro-économique s'élèvent à trois mille millions de dinars dont mille millions de dinars dus à l'interruption des exportations. Et cela n'exclut guère quelque effet cumulatif en cas de persistance de la stagnation. Quels sont en fait les secteurs les plus touchés ? M. Nacef Abdennadher, docteur en économie et chercheur, a bien voulu nous éclairer là-dessus. Le secteur le plus directement touché, de prime abord, est celui des circuits de distribution, plus particulièrement les grandes surfaces. Il touche par ricochet le secteur bancaire. En effet, les unités brûlées et saccagées pourraient bien, si elles sont financées par le système bancaire, augmenter les créances dites douteuses. Sur un autre plan, ajoute M. Nacef Abdennadher, si les investissements étrangers ont donné l'impression d'être en net recul momentanément, plusieurs investisseurs étrangers ont assuré qu'ils comptent rester en place. Les sources concordantes de la Fipa en témoignent. De même, plusieurs instances appropriées, en Allemagne et en France notamment, ont annoncé leur ferme intention de poursuivre les investissements en Tunisie. Quant aux exportations, leur situation n'est pas si catastrophique que cela pourrait paraître. Témoins, les exportations de la première décade de janvier 2011, en nette augmentation par rapport à celles de l'année passée. Toutefois, celles de la deuxième et de la troisième décade de janvier 2011 n'augurent guère de la même embellie. En tout état de cause, les indices de la reprise à brève échéance sont bien réels, le Cepex ayant réitéré il y a peu la poursuite des facilités accordées aux exportateurs. Côté importations, le rythme semble normalement soutenu. Il est à relever que les stocks de médicaments et de produits alimentaires de première nécessité demeurent suffisants. Côté tourisme, s'il y a un manque à gagner dûment constaté, il survient en une période de basse saison. Rien n'est encore sûr pour la haute saison. Toutefois, en cas de stabilisation, on peut même escompter à terme une année exceptionnelle, la réputation de la Tunisie ayant largement gagné en notoriété à la faveur de la révolution du 14 janvier. Alors, au bout du compte, sommes-nous au creux de la vague ou escompte-t-on à brève échéance une reprise effrénée ? Pour M Abdennadher, les indicateurs sont assez solides pour supporter une crise économique et honorer les coûts de la reconstruction. Le déficit budgétaire demeure bien confiné en deçà des 3%. Un bon indice quant on sait que dans maints pays développés, crise oblige, cet indice atteint bien les 8 à 9%. Péril en la demeure ? Faut-il être optimiste ? Tout dépend de la propension des Tunisiens à relever les défis économiques immédiats avec la même énergie qu'ils mettent à se hausser à l'intelligence du moment historique.