Par Saïd BEN KRAIEM Véritable richesse de la nation, la jeunesse tunisienne instruite et engagée force l'admiration. Force vive de toute une société en ébullition, cette frange d'âge, restée à la marge durant des décennies, a prouvé qu'elle est capable de mettre à nu et de mettre fin à une époque de marginalisation et d'exclusion. Les jeunes Tunisiens, à l'instar de Mohamed Bouazizi, ont prouvé, dans un courage sans pareil, que la répression que vivent nos sociétés arabo-musulmanes n'est pas une fatalité. Désarmés face à un appareil policier des plus brutaux dans le monde, ces jeunes, convaincus de la nécessité de bâtir un monde meilleur, ont pu en quelques jours ébranler les fondements d'un régime répressif, totalitaire et sanguinaire. Car, basées sur des demandes légitimes, les protestations qui ont commencé à Sidi Bouzid se sont vite transformées en une révolution populaire à laquelle tout le peuple tunisien a pris part. Au début, les demandes se résument en le droit à la vie digne, donc à l'emploi. Toutefois ça n'était que la partie apparente de l'iceberg. Aussitôt, la masse de neige se détache pour couler en eau douce dans les quatre coins d'un pays qui a soif de liberté politique, de dignité humaine et de prospérité économique. Ironie du sort, le régime de Ben Ali, fier de la proclamation de 2010, année internationale de la jeunesse, n'a pas compris qu'il préparait, sans qu'il le sache, sa fin. La célébration de cette année qui a pris une ampleur injustement amplifiée à travers un gaspillage fou des richesses nationales pour mener des campagnes de propagande visant à démontrer que la jeunesse tunisienne vivait dans des conditions qui suscitent la jalousie des jeunes du monde entier. Hélas, la réalité était autre. La majorité écrasante des jeunes tunisiens, notamment parmi les diplômés du supérieur, vivait dans des conditions très difficiles pour ne pas dire misérables. A travers la célébration de 2010, année internationale de la jeunesse, l'ancien régime a voulu contenir le mécontentement et la révolution des jeunes désireux de participer effectivement à la chose publique. Régime totalitaire, celui de Ben Ali, à travers un système politique verrouillé, a écarté non seulement les jeunes mais aussi les vrais partis politiques et toutes les composantes de la société civile de toute participation agissante à la vie politique. Par ailleurs, les différentes consultations de la jeunesse organisées ces dernières années n'étaient autres qu'une comédie visant à détourner les jeunes de leurs véritables préoccupations. Pis encore, ceux ayant participé à cette consultation étaient des jeunes formés au sein du RCD; les jeunes indépendants ou de l'opposition étaient tout simplement écartés du jeu. Résultat : les recommandations issues des différentes consultations étaient connues d'avance. Encore une fois, on s'est moqué des jeunes. Mais il y a une chose que l'ancien régime n'a pas compris : on ne peut pas induire en erreur une jeunesse instruite mais de plus en plus déçue et frustrée. Cette jeunesse qui maîtrise à merveille les nouvelles technologies de l'information et de la communication a su bâtir un monde virtuel de communication qui a préparé le terrain à la révolte populaire. Si le régime du Président déchu a pu contrôler tous les moyens classiques d'information, ses efforts pour maîtriser, contenir et orienter les moyens alternatifs d'information sur le Net étaient vains. Le dernier mot était celui des jeunes qui ont pu communiquer et sensibiliser toute la société grâce notamment aux informations qui foisonnent sur le Net, loin de tout contrôle et de toutes formes de censure. La mainmise de Ben Ali sur tout le système d'information n'a pas empêché nos jeunes d'imposer un système parallèle à même de mettre à nu les mensonges mais aussi l'hypocrisie d'une politique qui dénigre l'être humain et sous-estime les jeunes. Ainsi, au moment où le monde entier célèbre l'année internationale de la jeunesse, les jeunes Tunisiens ont montré, avec succès, à tout le monde qu'ils sont capables de réussir une révolution populaire dans un monde arabe soumis à toutes les formes de répression. «La jeunesse tunisienne donne l'exemple» n'est plus un slogan politique creux. Il est désormais une réalité connue, reconnue et soutenue à l'échelle internationale.