Par Khaled Guezmir - Décidément il n'y aura pas de « révolutions de velours » dans le monde arabe ! Le processus vécu par le Yémen, la Libye et la Syrie le prouve. Les dirigeants de ces pays n'ont rien retenu des leçons de l'Histoire de l'humanité surtout dans les cas similaires des pays de l'Europe de l'Est emmenés par la Tchécoslovaquie à partir de 1968. C'était l'année du « Printemps » de Prague dirigé par le réformiste Dubcek qui était pourtant secrétaire général du « Parti-Etat » communiste et qui a tenté une réforme de l'intérieur du système comme l'a fait chez nous un certain Ahmed Mestiri en 1970 lors du Congrès du Néo-Destour (devenu PSD puis RCD) de Monastir 1. La suite nous la connaissons l'intervention des blindés soviétiques a mis fin dans le sang à ce printemps fragile pour rétablir l'orthodoxie communiste pure et dure dans ce petit pays en tout semblable à la Syrie d'aujourd'hui. La répression a été tragique et sanglante mais l'alchimie de la liberté est invincible et l'évolution vers la démocratie a été inéluctable malgré les sombres années de la « normalisation ». En 1989 les manifestations populaires pour la liberté et la démocratie en Tchécoslovaquie ont repris de plus belle jusqu'au terme final : la chute du « Rideau de fer » en 1990 et l'instauration, grâce à la lutte pacifique, d'un Etat démocratique et libéral qui donnera naissance par la suite, toujours pacifiquement, à deux Etats : la Tchéquie et la Slovaquie qui font le bonheur de l'Europe d'aujourd'hui ! Le même cursus a été celui de la Pologne à la chute de Jaruzelski et la prise du pouvoir par « Solidarnosc » et son leader mythique Lechwalesa. Puis ce fut la boule de neige qui a emporté les systèmes totalitaires de Hongrie, de Bulgarie, de Roumanie avec l'apothéose de la chute du mur de Berlin en 1990 et la libération de l'Allemagne de l'Est grâce en grande partie au génie du chancelier Helmut Kohl et à la lutte pacifique du peuple Allemand. Toutes ces révolutions avaient en commun le sentiment de ras-le-bol des populations civiles et des élites intellectuelles et syndicales de la dictature et du totalitarisme, auquel s'ajoutait la crise économique et la pénurie en général. Elles ont par ailleurs, toutes sans exception, aboli le concept du « rôle dirigeant » du Parti-Etat pratiquement unique pour instaurer une démocratie de type parlementaire pluraliste. Enfin autre caractéristique de ces révolutions pacifiques de l'Europe de l'Est c'est la neutralité de l'armée qui après la tragique expérience du coup de Prague contre la réforme printanière de Dubcek en 1969 a refusé de tirer sur la foule et de réprimer le peuple. Quarante ans nous séparent de ces événements majeurs et les dirigeants arabes n'ont rien appris et rien « compris ». Au Yémen comme en Syrie surtout, on continue à maintenir contre vents et marées le « rôle dirigeant » du Parti en l'occurrence le « Baâth » qui pourvoie à tous les postes de commandement et qui contrôle totalement la vie politique. Le régime est verrouillé depuis plus de quarante ans et les institutions sont marginalisées et jouent un rôle de figuration et de légitimation du pouvoir absolu. Même l'armée est dramatiquement incorporée dans ce système et devient la machine infernale de répression qui tue le peuple au lieu de le protéger. Les images des blindés syriens qui occupent les villes et les commandos d'élite qui tirent sur les manifestants ne datent pas d'aujourd'hui. La seule différence c'est qu'aujourd'hui on les voit grâce au développement vertigineux de la communication satellitaire mondiale. Il fut un temps où les « tueurs » faisaient le « boulot » à l'ombre des caméras. Aujourd'hui ils sont visibles et ils sont nus et leurs crimes les poursuivront bien longtemps ! Qui sait devant la cour pénale internationale !