Jusqu'à il n'y a pas longtemps, il y avait deux races de Tunisiens : ceux qui obéissaient à la loi et ceux qui faisaient la loi. Les premiers, le petit peuple, toi et moi, ma sœur et ton frère assistaient donc impuissants à ces deux clans mafieux, respectivement représentés par les deux fameuses familles en fuite et leurs tentacules, queues, amis, associés et alliés de près et même de très loin. Les seconds, croisement entre vandales assoifés et Beni Hillal affamés, pillaient pratiquement tout ce qui bougeait et s'amusaient à violer toutes lois, même pour le plaisir de les violer. Y en a un, par exemple, qui, pour le fun, a scié un eucalyptus centenaire. Comme ça. Pour rien. Parce qu'il est couvert. Y en a un autre qui a acheté ( quand un Trabelsi ou un Ben Ali vole, on dit qu'il achète) un terrain front de mer à Sidi Bou, face au port de plaisance et y a construit une ribambelle de bunkers, défiant toutes les lois de l'urbanisme, de la protection du littoral et du patrimoine. Le premier qui a ouvert le bec s'est vu éjecter de la municipalité. Et il est facile de deviner ce qu'ils lui ont fait subir après. Un peu plus haut, sur le village historique de Sidi Bou, construit depuis le XVIIe siècle, ils ont commencé à s'emparer des maisons, à les réaménager à leur guise. On ne sait plus qui est Trabelsi et qui est Ben Ali dans ce remue-ménage, on entretient le flou et chacun se déclare membre de l'une ou de l'autre famille mafieuse à tort ou à raison. Du coup, ils se sont mis à boucher les rares vues qu'a ce petit village sur la baie de Carthage. Par contre, ils l'ont chez eux, cette vue sur mer. Ils se sont donc mis à multiplier les réaménagements et les extensions. Certains n'étaient même plus obligés de peindre en bleu, comme l'exige la loi. En mauve !! Ils se sont mis ensuite à se partager la voie publique et certaines ruelles sont devenues des «Sauf résidents», circulez, y a rien à voir. Et Sidi Bou Saïd n'est qu'un exemple de cette ruée sur le patrimoine. Comme des sauterelles qui bouffent cent fois leur poids, ces mafieux se sont également rués sur Carthage et s'apprêtaient à « s'occuper » de la Médina et de la ville européenne de Tunis. Imaginez un peu la Cathédrale de Tunis transformée en Salon de thé Trabelsi ! Ils ont pratiquement tout raflé sur leur passage et ont planqué chez eux les œuvres d'art les plus prestigieuses, pour de décoration et la justice dira s'il y a eu oui ou non trafic d'œuvres archéologiques. Ils construisent sur les vestiges romains, décorent leurs intérieurs à coups de colonnes romaines glanées çà et là au vu et au su de tous, dans les sites archéologiques. Il n'y avait pas de loi. Et l'Etat, ils s'en sont emparés, ils l'ont privatisé et se sont mis à l'utiliser contre le bon peuple et son patrimoine qui était sacré. Maintenant, il s'agit de rendre à la nation son patrimoine culturel, de remettre un peu d'ordre dans ce village le plus célèbre de la Tunisie et dans les cités voisines. De le classer patrimoine intouchable et inviolable. Moi, j'y crois.