L'Avenue Habib-Bourguiba est, incontestablement, la plus prestigieuse avenue de la capitale. Elle le doit sans doute à la statue légendaire du sociologue-repère Abderrahmen Ibn Khaldoun, à la cathédrale, aux hôtels les plus anciens, au palmarium qui servait dans les années 60 de salle de forum, mais aussi à la porte de France (Bab Bhar) qui rappelle à toutes les générations que de ce lieu-là, les tunisiens admiraient la mer. C'est l'avenue où le passé et le présent de Tunis s'amalgament à perpétuité, puisant dans les immeubles de style élégamment ancien, la senteur du bon vieux temps et du rythme du serpent vert le pouls du quotidien. C'est l'avenue qui constitue «le» site commercial, où les férus de courses et de shopping se rendent les yeux fermés, bien avant l'émergence d'autres sites, comme El Menzah et les berges du lac. Il y a à peine quelques semaines, l'Avenue a été le théâtre des revendications de liberté, d'affrontements, mais aussi de cris de joie d'une délivrance bien méritée. Autre point de gloire qui s'ajoute à l'histoire du centre- ville. Aujourd'hui? Aujourd'hui, l'Avenue souffre, étouffe, se plaint d'un commerce anarchique des plus désolants. Tout au long des trottoirs, des citoyens qui, se croyant désormais tout permis, même celui de porter atteinte à l'esthétique de la ville, et le cœur endurci d'un courage démesuré, exposent çà et là des produits divers, le tout au nom du droit au travail. Kaki, tabac dont la vente est illégale, papiers mouchoirs, fruits secs caramélisés, pop- corn, galettes traditionnelles «mtabbgua» mais aussi – et ce est pas tout—des vêtements camelotes, des sous-vêtements, des accessoires de pacotille; bref une interminable liste d'articles jonchent les trottoirs. Des étals à même le sol où des étalages disputent la place aux passants et barrent même certaines devantures de boutiques. Contents d'avoir pris le dessus sur l'autorité, les vendeurs clandestins crient leurs marchandises à leur guise. Pour eux, il s'agit d'un droit tout naturel, le droit de gagner son pain. Certes, il l'est. Mais à quel prix? Le commerce parallèle a toujours été – et le restera forcément- une alternative consentie par le consommateur à revenu moyen. Qui d'entre nous n'est pas tombé sur l'un de ces produits et a été séduit par son prix symbolique et son aspect pratique? Toutefois, pour obtenir ces articles, il existe des endroits bien précis où l'on peut se rendre, tels que certaines échoppes, ou encore certains souks, comme celui dit «sidi bou Mendil». L'état dans lequel se trouve l'avenue Habib-Bouguiba, mais aussi bien des avenues et des rues de la capitale ne peut aucunement durer plus longtemps. Selon Khatoui Halbouni, responsable de la police municipale, il n'existe pas pour l'instant des mesures immédiates pour stopper cette épidémie. La fonction de la police municipale est interrompue pour le moment à cause, entre autres, de l'état délabré dans lequel se trouve son siège.