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De la monarchie républicaine à la République moderne
OPINIONS
Publié dans La Presse de Tunisie le 11 - 02 - 2011


Par Dr Anouar DEBBICHE *
Il y a encore quelques semaines, pour être sincère, j'avais honte d'être Tunisien. Depuis plusieurs années, je ne regardais pas la télévision nationale, je ne lisais pas les journaux locaux, je ne m'intéressais plus à ce qui se passait politiquement dans le pays, me cantonnant dans mon travail humanitaire et me réfugiant dans l'écriture d'articles-témoignages pour l'histoire.
Pourquoi, me diriez-vous ? Mon histoire ressemble certainement à celle de plusieurs centaines de Tunisiens. J'ai l'âge de Ben Ali. Comme lui, je suis issu de l'Armée nationale que j'avais rejointe en septembre 1957, non pour aller à Saint-Cyr, mais pour faire médecine. Mons pays m'a pris en charge pendant 12 ans (7 ans de médecine plus 5 ans de chirurgie). Ayant le même niveau que les médecins militaires français, j'ai pris mes fonctions de médecin-commandant à l'hôpital militaire El Omrane en 1969, plein d'enthousiasme, Bourguiba était encore mon idole, comme dans mon enfance.
J'ai vu défiler au ministère de la Défense plusieurs noms, je garde un excellent souvenir de feu Bahi Ladgham et Hédi Khéfacha. Ahmed Mestiri m'avait impressionné en démissionnant du gouvernement.
Le congrès du PSD en 1974, que la presse internationale avait qualifié de «congrès des dupes», avait attiré mon attention et fait que bien qu'appartenant à la «grande muette», terme qualifiant les armées du monde moderne, je me suis mis à m'intéresser de loin à la politique de mon pays. Petit à petit, je découvrais, moi originaire du nord-ouest, que Bourguiba était plus un chef de tribu qu'un chef d'Etat. Ceci n'excluait pas qu'il avait fait beaucoup de bonnes choses, notamment dans les domaines de l'éducation et de la santé.
Découragé par un ministre qui, à mon avis, n'était pas à la hauteur de ses fonctions, il refusait la recherche médicale et un projet de création d'un centre de grands brûlés que je lui avais proposé avec l'aide matérielle et technique des hospices civiles de Lyon, je quittais l'armée en 1979. Survinrent les élections législatives, soi-disant multipartites de 1981. A la tête d'une liste, j'y avais participé pour le gouvernorat de Siliana. En parcourant les campagnes, je découvrais l'ampleur de l'injustice et la vraie nature du peuple que le PSD avait délavé, réduit à l'impuissance et à l'apparente soumission, mais il gémissait en silence.
«Khobz ou ma ouel hamra la» !
Le PSD, ce parti d'opportunistes, de béni oui-oui, d'hommes préfabriqués, où le «mariage» politique était la seule préoccupation. Malgré cela et croyant, parfois difficilement, que l'on pourrait s'opposer à la liste de Bourguiba, sans craindre la prison et les représailles de toutes sortes, la population vota massivement contre la «liste rouge», et la jeunesse d'alors à Siliana avait inventé le slogan «pain et eau et non à la liste rouge» (khobz ou ma ouel hamra la). Mais la suite tout le monde la connaît, d'un revers de main, Bourguiba avait balayé son peuple, lui qui était entré dans l'histoire par la grande porte, venait d'en sortir par le trou d'une serrure.
Puis vint le 7 novembre 1987, magnifique dans sa réalisation sur tous les plans : légal, conforme à la Constitution, sans effusion de sang, comblant toutes les espérances dans sa déclaration. Je le rejoignis dès son aube, c'est-à-dire le matin même en envoyant des télégrammes de soutien à Ben Ali et au général Habib Ammar, des compagnons d'armes.
Pour la première fois de ma vie, je pus publier sur le journal Le Temps un article intitulé «Le PSD, ce mutant», où je fustigeais ce parti et où je répondais à Abdelwahab Abdallah, alors à la tête du journal La Presse, et qui du jour au lendemain avait oublié Bourguiba et vantait Ben Ali.
Après une période euphorique de quelques mois où il était question de renouveler le parti en changeant son nom et ses cadres, j'eus la première surprise de taille, le secrétariat général du RCD, qui devait revenir à M. Mohamed Kerboul, fut attribué à une personne au passé trouble. C'était un signe annonciateur, mais je m'accrochais à mes chimères. Le renouvellement des cellules fut presque parfait dans ma région, il avait dépassé les 90%. Puis vinrent les élections du comité central. Là, les choses devenaient inquiétantes, personnellement on me fit un barrage presqu'infranchissable, mais je fus quand même élu grâce à mes antécédents de 1981.
Dès la première réunion de ce comité central, l'évidence s'était imposée à moi. Les quelques rescapés du PSD avaient joué le rôle de grues, repêchant les leurs et les imposant aux postes-clés du parti.
Les élections de 1989 ne permettaient plus de doute, «la charrette était la même, seul le mulet avait changé», comme me l'avait dit un citoyen simple de Makthar en 1988, qui regrettait mon entrée au parti. L'amère réalité s'imposait à moi, le retour en arrière était là. Convaincu plus que jamais que le droit ne se donne pas mais qu'il se prend (El hak yo'khadh wa la yo'tâ), je finis par me retirer avant la fin de mon mandat qui allait jusqu'en 1993. Les peuples d'Occident dominés par des monarques avaient conquis leur liberté en payant le «tribut du sang», il était évident que nous Tunisiens devions le faire d'une façon ou d'une autre.
Maintenant, nous l'avons fait, le sang du peuple qui a fait cette révolution a coulé. Le temps de la réflexion est arrivé, celle-ci doit puiser ses sources dans l'histoire afin de ne pas tomber dans le chaos et de revenir au point de départ comme l'ont fait la révolution de Cromwell et la Révolution française, chacune à sa façon. Nous, nous sommes plus proches de la Révolution française, à la place du roi, nous avions un monarque républicain absolu, aidé, non pas par une aristocratie, mais par un parti tout aussi opportuniste, aussi accroché à ses privilèges et fidèle gorille du pouvoir. La Révolution française a guillotiné ses enfants, de Danton à Robespierre, est passé par la Commune, la Terreur, les Napoléon I et III, etc. et a duré presqu'un siècle. Heureusement, les temps et les circonstances ne sont pas les mêmes. Notre problème est clair, il faut passer de la monarchie républicaine à la République moderne et là, on ne peut pas dire que tout est à réinventer, mais tout est à redresser. Nous connaissons parfaitement les causes du mal :
Nettoyer l'abcès
1. Une Constitution malléable à volonté
2. La loi applicable au peuple mais absente pour le monarque et les favorisés
3. L'irresponsabilité des responsables (ministres, gouverneurs, P.-d.g., etc.)
Réaliser ceci, en 2 ou 3 mois, est une illusion et une erreur grave qui peut nous coûter très cher. C'est là où le calme du chirurgien intervient; quelles sont les bases et les conditions d'un début de travail serein‑?
• Abandonner tout esprit de revanche afin d'éviter les règlements de comptes, s'il y a des hommes dignes de ce nom au RCD, qu'ils gardent leur parti, même avec son nom et qu'ils en fassent ce qu'ils veulent, mais les locaux construits avec l'argent de l'Etat doivent lui revenir, ainsi que d'autres biens : voitures, meubles, etc. Ses adhérents ne doivent en aucun cas être agressés, par contre il faut nettoyer chirurgicalement l'abcès, il semblerait que des reliquats de milices persistent et sèment le trouble et la peur, à eux se mêlent certainement des individus sans scrupules comme il en existe dans tous les pays; un limier au ministère de l'Intérieur peut nous en débarrasser. Des peines d'exception doivent leur être appliquées sans aucune hésitation.
• Comprendre que le vide, c'est le chaos, et notre pays, qui n'a pas de ressources naturelles, peut tomber en faillite en quelques mois. Pour cela, nos vrais opposants respectables, je ne parle pas des factices, doivent comprendre que le temps n'est pas encore venu pour afficher leurs théories et convictions et essayer de les appliquer.
C'est une révolution populaire certes, mais le peuple doit aussi comprendre que le temps des revendications viendra, mais ce n'est pas encore le moment pour les uns et pour les autres. Il faut d'abord construire la maison avant de demander son dû.
Comment agir pratiquement ?
Premièrement, il faut rétablir l'ordre, pour cela il faut un homme qui connaisse les rouages du ministère de l'Intérieur, que la police et la garde nationale se remettent au travail car nos villes et surtout nos campagnes manquent de sécurité avec toutes les conséquences qui en découlent.
La démocratie c'est certes «le pouvoir au peuple», mais ce n'est certainement pas «fais ce que tu veux». Pour exister, elle a besoin du respect absolu de la loi, du respect des biens publics et privés, bref du respect de l'autre. Or, on assiste ces dernières semaines à des scènes inimaginables : manifestations de revendications en tous genres, à la campagne des groupes d'individus attaquent, pillent des fermes appartenant à l'Etat mais loués à des privés, font paître leurs troupeaux dans les champs de blé, compromettant les récoltes avec toutes les conséquences qui en découlent, etc. Où allons-nous ?
La seule façon, à mon avis, est de nommer des gouverneurs militaires dans les régions pendant cette période transitoire. Ces officiers supérieurs, ayant sous leurs ordres un ou deux bataillons ainsi que la police et la garde nationale, pourraient remettre de l'ordre dans nos campagnes et nos villes, y compris Tunis. Je ne dis pas ceci parce que je suis issu de l'armée mais parce que la situation est en train de se dégrader sérieusement et qu'à un moment donné, on priera pour avoir un nouveau dictateur élu démocratiquement (se rappeler le cas d'Adolphe Hitler). Les gouverneurs civils s'occuperaient des affaires administratives et sociales. Ces propositions se limiteraient à la période transitoire bien sûr.
Comité des sages
Le ministère des Finances aussi est crucial, nous avons en Tunisie l'embarras du choix concernant les économistes.
Pour le reste, peu importe la personne, car ce gouvernement provisoire (qui à mon avis doit avoir un mandat de six mois) est sous la surveillance du peuple et l'armée demeure la gardienne de la paix sociale.
Le grand travail, c'est ce que j'ai appelé plus haut «le redressement de la République»; là, il faut une période couvrant un ou deux ans durant laquelle nous n'avons besoin ni de députés ni de conseillers. Cet argent sera gagné par l'Etat pour parer au plus pressé.
D'ores et déjà, il faut constituer un «comité des sages», présidé par une personnalité indépendante et reconnue. Ce comité englobera des juristes, des enseignants de droit constitutionnel (et nous en avons vu durant les débats organisés par les médias, entre autres Al Jazira), auxquels se joindront des représentants des régions, c'est l'Assemblée constituante.
Les élections
Il est certain que le peuple a hâte d'avoir des élections libres et transparentes sans que l'on se substitue à lui pour désigner ses représentants. La meilleure façon de mettre ceci en évidence, c'est de se rendre chez lui, dans sa ville. Donc commençons par les élections municipales, ceci contribuera, sans de gros frais, à «l'entraîner», à lui faire comprendre que la démocratie c'est la liberté de s'exprimer, de choisir librement, de contester, mais c'est aussi le respect absolu de la loi et de la minorité, tout en accordant à la majorité la responsabilité de gérer les affaires.
Entre-temps, le comité des sages refondra, même provisoirement, les lois électorales concernant la présidence et les législatives en nous référant, pourquoi pas, au passage des pays de l'Est du parti unique à la démocratie. Ce travail achevé, nous procéderions alors aux élections législatives puis présidentielles.
Cette Constitution devra englober des articles inaliénables concernant :
• La durée de la présidence (4 ou 5 ans) renouvelable une seule fois, ou un septenat non renouvelable
• Les cas de destitution du président
• Revenir au principe fondamental de l'Islam qui a assuré la liberté et la cohabitation des religions, et en tenant compte du fait qu'en Islam, il n'y a pas d'intermédiaire entre l'individu et son Créateur, mais il est demandé à chacun de respecter l'autre.
Durant cette période, le gouvernement doit travailler sereinement, sans perturbations, sans exigences. La loi au-dessus de tous doit prendre sa place, toute son importance, toute sa valeur; des responsables qui n'ont rien à se reprocher doivent la faire appliquer.
L'Assemblée constituante
Elle devrait englober une à trois personnes par région selon le nombre d'habitants, aurait un mandat de 2 ans maximum, serait éclairée par le «conseil des sages». Sa tâche étant importante pour le pays, ses membres doivent obéir à des critères stricts concernant l'âge, le niveau intellectuel, etc. Son élection interviendrait dès la fin des élections municipales.
Après six mois, il faudrait remercier M. Ghannouchi, qui est un homme droit, de bien vouloir rééquilibrer le ministère sur le plan répartition régionale (toutes nos régions ont des cadres de haut niveau). Une fois la Constitution établie, les lois électorales faites, nous pourrons alors envisager les élections législatives puis présidentielles ou l'inverse; entre-temps le peuple aurait eu deux séances d'entraînement : les municipales et l'Assemblée constituante en un ou deux ans. Mais, me diriez-vous, qui assumera la présidence de la République ? Son mandat se terminant au bout de six mois. Ces six mois sont le reliquat d'une Constitution chiffon, faite sur mesure pour une succession automatique, la réalité est tout autre, M. Mebazaâ a été l'un des premiers à s'élever contre Bourguiba pour réformer le PSD, l'âge l'a certes quelque peu rendu plus conciliant, ce qui explique son adhésion au RCD, mais c'est un nationaliste sur lequel nous pouvons compter pour cette période transitoire de 1 à 2 ans. Et le «comité des sages», c'est au gouvernement de le nommer en faisant un effort de recherche; il devrait englober entre 10 et 20 personnes au plus.
C'est mon avis, il y en a certainement des centaines d'autres, il faut faire la synthèse et en tirer le meilleur pour notre pays, qui a pris la première place dans le monde arabe et qui devra donc donner l'exemple et montrer le chemin à suivre.
* Ancien chef du service de chirurgie à l'Hôpital militaire de Tunis


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