Par Mohamed Mestiri Je salue la mémoire de Mohamed Bouazizi, que Dieu l'accueille dans Son infinie miséricorde Je salue la jeunesse de Sidi Bouzid, de Kasserine et d'ailleurs, et ses martyrs. Je salue toute notre jeunesse qui nous a permis de vivre ces moments merveilleux et inoubliables que nous avons attendus si longtemps. Tous les matins en lisant les journaux , j'aspire à pleins poumons cette bouffée de liberté ô combien bénéfique et c'est avec émotion que j'écoute aujourd'hui les voix de femmes et d'hommes libres, débarrassés de toute les peurs et les contraintes. Plus de figures emblématiques et stéréotypées de Ben Ali et son épouse en première page ; plus d'articles fleuves glorifiant «le roi et la reine», tout cela c'est du passé» Merci notre jeunesse, et dire que nous l'avons taxée de léthargie, de manque de patriotisme et d'apolitisme – Il n'en est rien ; elle a su réagir le moment venu avec un élan et une ardeur insoupçonnables. Notre pays se libère et se démocratise et c'est une grande fierté pour nous Tunisiens de montrer au monde entier que nous sommes un peuple civilisé qui peut se débarrasser de ses oppresseurs et forger sa destinée par ses propres moyens, et avec le minimum de dégâts. La démocratie ne se donne pas, elle se prend et s'apprend. Nous sommes à l'aube d'une nouvelle ère, que Dieu nous aide dans notre glorieuse et difficile entreprise, car enfin de compte, un homme libre est un homme épanoui, et un homme épanoui peut réaliser des merveilles pour son pays et pour lui-même, et nous en avons les moyens. Bientôt, dans quelques mois, les élections, elles seront libres et décisives, je l'espère, nous les attendons tous avec ferveur et impatience. Les partis politiques et les organismes publics commencent d'ores et déjà à affûter leurs armes, malheureusement en ordre dispersé. Cela ne m'inquiète pas outre mesure, mais j'aurais souhaité qu'ils fassent front commun face aux agissements des contre-révolutionnaires issus du RCD. Il me semble tout de même nécessaire que j'ouvre à ce propos une parenthèse pour parler de ces agissements. Il n'est un secret pour personne aujourd'hui que le RCD était et demeure un organe tentaculaire qui n'a d'un parti politique que le nom, composé en grande partie de personnes qui n'ont aucune idéologie ; de véritables fonctionnaires d'Etat influents et agissants. Grâce à eux, le RCD est arrivé à structurer le pays et à encadrer presque toute la société tunisienne. J'ai connu quelques-uns parmi eux ; j'ai suivi leur parcours et je me permets de généraliser, parce que c'est le cas. Pour eux, adhérer au RCD et être un membre actif, c'est s'assurer une place au soleil ; obtenir tous les avantages ; s'enrichir bien entendu et très souvent d'une façon illicite ; dominer ses concitoyens ; être craint au sein de la communauté ; parce que tout manquement aux règles imposées par le RCD est passible de sanctions diverses pour le pauvre citoyen. Avant notre glorieuse révolution, ils savouraient tous cette réussite et ce standing. Ceux qui pensent que ces propos sont exagérés n'ont qu'à se déplacer dans les villes, les villages et les communautés rurales pour questionner nos concitoyens et en savoir plus. Certains d'entre eux se sont enrichis outrageusement au vu et au su du peuple et c'est là à mon avis un des détonateurs de la révolution. Je les comprends aujourd'hui ces jeunes et moins jeunes dans toutes les catégories de la société, qui réclament à cor et cri la dissolution du RCD et la poursuite en justice de ses représentants – Ce sont des cris qui sortent de leurs tripes, accumulés durant deux décennies d'injustice, de frustration et de privation. Je me suis permis de généraliser, mais je me dois quand même de reconnaître qu'il y a au sein du RCD des gens foncièrement honnêtes, de véritables des touriens de la vieille souche. Mais que peuvent- ils faire sinon obéir au système et se laisser entraîner par son courant dévastateur. Qui oserait, disaient-ils s'opposer au système Ben Ali/RCD ? Même une démission pure et simple était considérée comme une trahison. Ce qui m'inquiète aujourd'hui, c'est que des représentants malintentionnés de feu RCD vont continuer à sévir par tous les moyens. Ils vont défendre bec et ongles les immenses profits qu'ils ont accumulés durant ces deux décennies – Ils sont nombreux et détiennent des fonds importants provenant des caisses du RCD et aussi peut être, hélas, d'un pays voisin. Ils pullulent dans tous les organes de l'Etat : ministères, au plus haut niveau, administrations centrales et régionales ; sociétés étatiques ; établissements bancaires, ambassades et consulats etc. Ils ont constitué un véritable gouvernement de l'ombre dirigé par des proches collaborateurs de Ben Ali, politiciens opportunistes et à double facette. Leurs objectifs prioritaires, c'est d'alimenter et entretenir des foyers de troubles dans tout le pays et pousser la société tunisienne à l'exaspération, ensuite préparer, selon un plan machiavélique, les prochaines élections où ils pourront placer leurs hommes et principalement au sommet de l'Etat. Un signe révélateur qui ne passe pas inaperçu : qui a conseillé au gouvernement provisoire de nommer la plupart des nouveaux gouverneurs, parmi les cadres issus du RCD ? That is the question ! Chers concitoyens, l'heure est à la vigilance. Que Dieu préserve notre révolution de l'agissement de ces hommes, qu'elle réussisse, et que nous puissions vivre libres et montrer au monde, avec fierté, ce que les Tunisiens sont capables de faire.