Compression des charges, augmentation des marges, prospections larges, tels sont les mots d'ordre que les patrons des entreprises — toutes catégories confondues — ne cessent de marteler jusqu'à les faire intérioriser dans les petites têtes des employés opprimés qui n'ont qu'un souci : essayer de se maintenir à leur poste aussi longtemps qu'ils peuvent pour nourrir leurs pupilles qu'ils verraient un de ces jours partir en barge pour se noyer au large. Est-ce la résultante inéluctable de la compétitivité internationale ? Est-ce la conséquence du nouvel ordre mondial, ou tout simplement de l'individualisme vorace institutionnalisé dès l'aube de l'horrible ère Ben Ali ? Hélas, c'est l'instrumentalisation de la législation, pour servir les envies les plus folles d'une bande d'ignorants qui ne cherchent qu'à s'enrichir encore et toujours, sans se soucier de la plèbe et de son désarroi. En effet, tout est fait pour que les riches deviennent encore plus riches en partageant avec la mafia en place (fifty/fifty). Pour cela on revient à l'esclavage et on crée les sociétés de sous-traitance de main-d'œuvre. On permet de recourir à la main-d'œuvre éphémère (les fameux interminables contrats à durée déterminée) dont on s'en débarrasse quand on veut. La peur de l'extrême précarité des emplois aidant, on fait régner une atmosphère de terreur où les gens considèrent chaque jour vécu comme une bataille gagnée. De quel droit les entreprises réalisent-elles des bénéfices de centaines de milliards au détriment des fonctionnaires ou ouvriers payés des salaires de misère, la plupart en CDD ou appartenant à des sociétés de services ou encore des stagiaires sans espoir de lendemains meilleurs ? De quel droit, dans un pays comme le nôtre, des directeurs généraux touchent des salaires mensuels de centaines de milliers de dinars, contournent les impôts, alors que ces salaires mirobolants pourraient nourrir des milliers de familles ? De quel droit, les entreprises publiques les plus prospères ont-elles été privatisées avec des licenciements à tour de bras ? Où sont les patrons tunisiens, n'est-ce pas le moment de démontrer un peu d'altruisme ? Ordonnez aux directeurs de banques — qui font fonctionner leurs structures tentaculaires avec seulement deux ou trois employés par agence — de recruter immédiatement et sans attendre les diplômés chômeurs de Sidi Bouzid, de Kasserine, de Aïn Draham, de…, de … S'ils recrutent une personne par agence, il y aura résorption incroyable d'une grande partie de chômeurs. Faites donc un simple calcul hypothétique (un recrutement par agence bancaire) et vous verrez l'impact immédiat. Un pays comme la France n'a cessé de faire la chasse aux salaires mirobolants pour une répartition équitable des richesses. Nous, on croise les bras, on se voit dévaliser en silence. C'est l'Organisation patronale qui est muette ces jours-ci; elle essaye de se faire oublier, est- ce normal ? Agissons, soyons incisifs, ne reportons pas ce qu'on peut faire aujourd'hui à demain, car demain, il y aurait encore des morts, des morts de faim.