Les Tunisiens savent, maintenant, que le clan des Trabelsi avait pignon sur tous les secteurs de l'économie tunisienne. Légale comme parallèle. Ce n'était cependant pas tout. La Piovra avait aussi investi les paris hippiques. Pas le PMU officiel, mais les paris clandestins. Concrètement, cela avait cours dans des «points courses» improvisés dits «twawel» (tables) ou «h'for» (trous), disséminés dans toutes les villes, qui dans de simples cafés, qui dans des arrières-salles de bistrots, de restaurants ou de cabarets, et tenus par un «personnel écran» d'ex-repris de justice et de rescapés des anciennes filières de la drogue en Europe. Grosses recettes Ces tables faisaient de grosses recettes quotidiennes. Pis : elles prospéraient aux dépens du pari mutuel urbain, monopole public relevant du ministère des Finances. Plus grave encore : elles jouissaient de la protection (intéressée) des services de police. Tout un business vivant dans une parfaite illégalité, au vu et au su des autorités, dont le pactole immense était réparti entre propriétaires loueurs à la séance, tenanciers divers, commissariats, et, bien entendu, les Imed, Moncef, parents alliés, caïds financeurs et bénéficiaires en gros. La combine a évidemment pris fin le 14 janvier 2011 avec la disparition du clan. Mais les tables sont toujours là! Nombreuses encore à Tunis et en banlieue. Très fréquentées même et apparemment, aussi libres de fonctionner que sous Ben Ali. Que se passe-t-il donc? Les Trabelsi se prolongeraient-ils encore à travers leur ancienne pègre? La police maintiendrait-elle encore sa protection? Très mauvais effet Espérons que c'est non. Espérons que ces paris clandestins ont ressurgi à la faveur, seule, d'un compréhensible «relâchement sécuritaire». Le ministère de l'Intérieur a sans doute, pour le moment, beaucoup à faire. Logique, les braqueurs et les détenus en fuite ne sont pas tout à fait neutralisés. Simplement, ces lieux de paris clandestins tranchent mal avec l'image du nouvel Etat de droit. Ils font très mauvais effet, reportant à de tristes souvenirs de laisser-aller et de corruption, et s'ils perdurent encore, il sera de moins en moins facile d'y faire obstruction. Une petite inspection ne coûterait ni trop de temps ni de gros efforts. Outre qu'au regard de tout le monde, aujourd'hui, une bonne réaction citoyenne n'est nullement de refus.