Prié de décliner son identité, notre interlocuteur, pour une raison ou pour une autre, a tenu à parler sous le couvert de l'anonymat. C'est que N. B., 46 ans, aujourd'hui libéré du joug de la drogue, n'en revient pas encore. «J'ai vécu, reconnaît-il avec amertume, une expérience cauchemardesque avec la toxicomanie. Une expérience que je ne rééditerai plus, pour tous les trésors de la Terre». Faisant difficilement machine arrière, il vide son sac, sous la forme d'aveux et de confessions chargés d'émotion, de souffrance et d'angoisse. «Tout a commencé, se remémore-t-il, en 1989, dans la jungle de la drogue en France où mes affaires, en tant que dealer, marchaient comme sur des roulettes. Je gagnais bien ma vie, et je me plaisais dans mon métier, pourtant ingrat et jalonné de risques et de mésaventures, de revendeur de cocaïne. Produit que j'écoulais, grâce aux circuits de distribution clandestins qui s'approvisionnaient en Hollande et qui prospéraient dans l'Hexagone. J'étais donc, pour ainsi dire, comblé, et même fier d'être un trafiquant sans être un consommateur de stupéfiants. Et puis, un jour, patatras, le début de la tragédie, lorsque, sur insistance de l'un de mes fidèles complices, j'ai essayé ma première dose de coca. Ça y est, c'est la goutte qui a fait déborder le vase, puisque, au fil des jours d'un extraordinaire ensorcellement, je ne pouvais plus me passer de ma dose quotidienne. Content d'avoir décroché mon galon de toxicomane en dépit des longs et insupportables jours de manque, je ne m'apercevais même pas de la fuite en avant dans laquelle j'étais lancé. Bientôt, morosité du marché et baisse des recettes se conjuguaient pour me prendre à la gorge. Mes nuits blanches ne se comptaient plus. Et comme un malheur n'arrive jamais seul, mon état de santé commençait subitement à se détériorer. Et aux soupçons macabres de se mettre à torturer mon crâne, surtout après avoir appris que deux de mes collègues qui partageaient mes moments d'évasion, ont attrapé le virus du sida, après avoir subi le test de dépistage d'usage. Depuis, je ne dormais plus, obnubilé que j'étais par la sombre perspective de connaître le même sort fatal. Mais, deux semaines après, j'ai pris mon courage à deux mains, en osant aller à la redoutable épreuve du test de dépistage. Et quelle ne fut ma joie lorsque j'en suis sorti sain et sauf. Ouf de soulagement. Finie l'angoisse déchirante. Dès lors, et dans un moment d'éveil de conscience, j'ai décidé de tout laisser tomber, en rentrant au bercail, pour éviter de creuser ma propre tombe». Aujourd'hui, N. B. ne peut pas le regretter, d'autant plus qu'il a réussi son insertion sociale dans nos murs, en trouvant un job dans une entreprise privée, après avoir effectué, avec succès, une longue cure de désintoxication au centre de Jbel El Oust. A méditer.