Totalement submergés par les flux inattendus de ressortissants, les habitants de Ben Guerdane n'en peuvent plus. «La ville est pleine. Hôtels, internats, centres de formation, maisons des jeunes et des dizaines de tentes dressées à l'occasion sont archi-combles», nous dit M. Mohamed Regueï, l'un des bénévoles du conseil local de la révolution, avant d'ajouter : «Nous ne manquons pas‑de médicaments ou de produits alimentaires. Les aides humanitaires nous sont parvenues, et en grandes quantités des 24 gouvernorats du pays, sans exception. C'est au niveau des couvertures que le problème se pose avec acuité, par ce temps hivernal». En effet, en dépit des efforts déployés par l'Armée nationale, l'Unhcr, l'Union européenne, le conseil local de la révolution et plusieurs autres ONG, la situation est à la limite de la crise. Le nombre de ressortissants dépasse de loin les prévisions. «Il y a encore des milliers qui attendent de l'autre côté de la frontière. Les militaires libyens qui ont remplacé les policiers sont agressifs et ne laissent pas les blessés quitter le territoire libyen», nous dit Abdessamad qui paraît très épuisé. Outre les Egyptiens qui constituent 90% de ces migrants, d'autres nationalités ont pu atteindre Ras Jedir, hier matin, dont 50 Bengales, des dizaines d'Asiatiques et plusieurs Algériens et Marocains. A longueur de journée, les convois de bus qui font le plein à Ras Jedir, traversent en cascade la ville de Ben Guerdane via Zarzis et Jerba et les sirènes des ambulances retentissent jour et nuit. En effet, 850 passagers ont été rapatriés par voie maritime, dans un navire militaire égyptien qui a quitté le port commercial de Zarzis mardi à 7h00. En parallèle, des bus sont en train d'évacuer 1.500 autres migrants pour les transférer vers la ville de Sfax où ils devront prendre le bateau «El Habib». On a appris aussi qu'un autre navire militaire égyptien est déjà en route vers Zarzis. Mais, c'est toujours insuffisant. Et c'est la raison pour laquelle les Egyptiens, qui ont pris leur mal en patience pendant plusieurs jours, ont fini par exprimer leur mécontentement en manifestant à Ras Jedir «contre le laxisme de notre gouvernement», disent-ils. Les harragas de nouveau On a cru que le feuilleton des harragas était terminé. Mais, il ne s'agissait en fin de compte que du repos du guerrier puisque trois autres bateaux chargés de quelques dizaines de jeunes ont quitté Zarzis ces derniers jours, avons-nous appris. Le dernier en date a appareillé de «Ras Marmour», lundi soir. L'un de ses occupants, Mansour, nous confia avant de sauter dans l'embarcation : «J'étais hésitant au début, mais quand j'ai appris que mes cousins et mes voisins sont déjà arrivés en France, je me suis débrouillé et j'ai tenu à les rejoindre, quitte à risquer ma vie».