Par Abdessatar Klai Le ministère de l'Education est chargé de garantir le droit à l'instruction et à la formation de tous les Tunisiens et de toutes les Tunisiennes. Le taux de scolarisation est de 99,1% ! Ce secteur qui reçoit actuellement 7,5% du PIB voit son budget annuel augmenter en moyenne de 10% chaque année. L'école tunisienne connaît de graves problèmes. Il est temps d'offrir une autre alternative en la transformant en profondeur pour qu'elle soit le ferment d'une société qui tourne le dos à l'individualisme, à l'égoïsme et à la loi du plus fort. Cela ne se fera pas tout seul. L'Etat avait décidé, à la fin des années 1980, de mettre fin aux divers «barrages» qui bloquaient le passage d'un cycle à un autre. Le budget de l'Etat étant restreint, l'accès aux études secondaires et supérieures était, en effet, limité à la source : d'abord à l'examen de sixième, indispensable pour accéder au secondaire, ensuite à celui du baccalauréat pour accéder à l'université. Ce système sélectif avant cette réforme produisait beaucoup de «déchets» : abandons dès l'école primaire, redoublements multiples dans le secondaire. Les nombreuses réformes engagées à l'époque pour réduire le taux d'échec scolaire, notamment celle de l'arabisation, n'ont pas amélioré les choses, au contraire. Les jeunes parlaient moins bien les deux langues en usage dans le pays, l'arabe et le français. En conséquence, les années 1990 ont été marquées par une explosion de l'offre scolaire et universitaire. Le nombre d'élèves dans le primaire et le secondaire est passé de 1,7 million à 2,4 millions entre 1987 et 2000. Il est maintenant retombé à 2,1 millions en raison de la baisse de la natalité. Celui des étudiants est passé de 44.000 en 1987 à un peu plus de 370.000 cette année. Au moment où on a fêté le 52e anniversaire de la création de l'université tunisienne (1958-2010), le système éducatif est appelé à relever trois défis majeurs: D'abord, celui de l'argent : l'Etat, qui consacre déjà 3,5 milliards de dinars par an à l'éducation dans son ensemble (21% de son budget) ne peut suivre indéfiniment cette augmentation sans remettre en cause son équilibre budgétaire. De leur côté, les parents trouvent que les études leur coûtent déjà trop cher et seront pourtant appelés à payer davantage dans les années à venir. Souvent, les familles s'endettent pour que les jeunes fassent des études et puissent, en retour, les aider. Mais aujourd'hui, par manque de débouchés professionnels, les jeunes reviennent au contraire comme charge supplémentaire. Ils sont obligés de faire des petits boulots non qualifiés pour survivre ou être chômeurs de longue durée. Le retour vers la famille est alors vécu comme une humiliation, un échec personnel. C'est presque une mort sociale. Ensuite, celui de la qualité et de l'adaptation des formations. Le nombre de diplômés du supérieur, qui a déjà doublé au cours des six dernières années, ira crescendo, pour atteindre les 95.000 à l'issue de l'année universitaire 2012, contre 64.000 en 2008 et seulement 5.000 en 1988. Il va falloir leur offrir, d'une part, des choix de formation mieux adaptés à leur profil et, d'autre part, répondre aux besoins futurs du marché de l'emploi en Tunisie et à l'étranger, notamment dans les pays africains et du Moyen Orient. Il faut développer des liens de coopération sud-sud bénéfiques aux différents partenaires. Et, enfin, une école citoyenne solidaire : c'est une école au service d'une société juste et qui construit l'indispensable mieux-vivre ensemble. Et c'est bien ce dont nous avons particulièrement besoin aujourd'hui, à l'heure où la société se délite sous les coups de boutoir de l'argent-roi, du profit à outrance et du chacun pour, soi. L'école publique doit aussi contribuer à la prise de conscience des élèves citoyens. Si l'école publique devait toujours être le lieu où l'on apprend les «fondamentaux» – lire, écrire et compter –, sa mission civique doit être aussi de former des citoyens libres et éclairés qui sauront faire prévaloir les exigences de la raison et de la conscience contre toutes les idéologies discriminatoires, ethniques, intégristes qui portent la haine et la guerre dans leurs fondements. Le débat est ouvert à tous. Que vous soyez élèves, parents, responsables d'éducation ou intervenants dans le domaine, apportez votre contribution pour que l'école devienne un lieu d'éducation à la citoyenneté au sens large du terme et un lieu d'épanouissement de l'individu au profit de l'intérêt général