1/Remettre de l'ordre et de l'autorité dans l'institution scolaire 2/Ouverture de l'espace scolaire aux loisirs, à la culture et aux activités ludiques 3/Rétablir le cordon affectif entre école et famille 4/Rajeunir le corps enseignant L'une des tâches majeures du gouvernement provisoire et sans doute de celui qui suivra sera la révision de fond en comble du système éducatif dans notre pays. Quoique ce secteur ait connu à travers les époques des réformes qui ont touché aux différents aspects (pédagogies, programmes officiels, formation continue…), il s'avère à chaque fois que ces réformes ont toujours été timides, superficielles et provisoires et jamais profondes et radicales. La dernière en date est celle de 2003 qui délimite les orientations du système éducatif en Tunisie et précise ses objectifs et ses finalités. Selon cette réforme, le principe fondamental est de considérer l'élève au centre du processus éducatif, c'est-à-dire le point de départ et la finalité de l'enseignement. En outre, cette réforme stipule que « la tâche de l'école est d'assurer aux élèves la maîtrise des outils du savoir ; et de développer les aptitudes qui leur permettront d'acquérir les compétences, les savoir-faire et les savoir être indispensables à la vie. En un mot, sa mission, aujourd'hui et demain, est de former un citoyen qui apprend à apprendre, à agir, à être et à vivre avec les autres. » Sept ans après, où en sommes-nous ? Il va sans dire que depuis l'indépendance, l'enseignement en Tunisie qui a subi maintes transformations a effectué des réalisations remarquables aussi bien sur le plan quantitatif que qualitatif en assurant le principe de « l'éducation pour tous », ce qui a certes contribué énormément à la lutte contre l'analphabétisme et l'illettrisme, mais tout en favorisant une croissance progressive du taux des diplômés universitaires contraints d'attendre des années entières pour accéder à un emploi. Si aujourd'hui, le nombre de diplômés supérieurs frôle les 15.000, tous en chômage, on comprend dès lors l'échec de l'actuel système éducatif tunisien qui doit changer en vue d'être mieux structuré, rénové et mis au diapason de l'actualité en s'adaptant aux réalités économiques et sociales du pays et aux exigences des générations présentes et futures. En d'autres termes, ces jeunes qui ont fait la Révolution du 14 janvier veulent voir une nouvelle école qui soit à leur écoute et à la hauteur de leurs aspirations ! Ils ont déjà lancé le cri du changement tous azimuts, entre autres des réformes approfondies dans le système éducatif, allant du primaire au supérieur. Les deux rencontres qui ont eu lieu récemment entre le ministre de l'Education et un échantillon d'élèves et d'étudiants diplômés représentant les différentes régions du pays étaient une occasion rare dont profitaient ces jeunes pour exprimer librement leurs doléances concernant le système éducatif et aussi leurs propres visions de l'école future. Ce cri d'alarme pour une amélioration du système éducatif doit être pris en considération lors de toute prochaine réforme à effectuer par le ministère de tutelle. Ce qui doit changer Il y a sans doute des acquis atteints dans le secteur de l'enseignement depuis des décennies qu'il faut garder et consolider. Pour ne citer que quelques uns, l'accès obligatoire de tous à l'enseignement, la scolarisation en Tunisie ayant atteint des taux respectables dans le cycle secondaire (71% en 2001-02 contre 50,2% en 1994-95) et à l'université (22% en 2001-02 contre 12% en 1994-95). Le deuxième acquis à préserver, c'est celui de la concrétisation du principe d'égalité absolue entre les deux sexes, la parité filles-garçons étant une réalité dans tous les cycles de l'enseignement. Le dernier acquis concerne l'adoption des nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC) dans notre enseignement. Cependant, il reste beaucoup à faire pour apporter les remèdes nécessaires à notre système éducatif dans tous ses cycles et ses niveaux. Certains changements sont à apporter immédiatement, d'autres, moins urgents mais aussi importants, suivront ultérieurement. Les propositions qui suivent ont été recueillies auprès d'une vingtaine d'enseignants exerçant dans le secondaire. On peut citer les unes et les autres en vrac et sans ordre de priorité. D'abord et surtout remettre de l'ordre et de l'autorité dans l'institution scolaire (révision de tous les mécanismes de discipline existants qui sont devenus désuets et sans effet face à une école qui change et à de nouveaux comportements et rapports établis entre les différents acteurs de l'école prof-élèves-administration). Sur ce point, une majorité écrasante des enseignants souffre d'un problème de confrontation avec une nouvelle génération d'élèves qui exprime un certain désintérêt et un dégoût pour les études. Le deuxième changement consiste à rendre l'école non seulement un milieu d'acquisition des différents savoirs mais un lieu de l'exercice des loisirs et d'activités extra-scolaires et de découverte de jeunes talents dans les domaines culturels, artistiques et scientifiques, en transformant le temps scolaire de sorte à accorder la plage horaire nécessaire aux différents clubs scolaires pour animer la vie scolaire et valoriser le travail créateur chez les élèves. De même, vu le désistement marqué ces dernières années de la part d'un grand nombre de parents d'élèves, il faut réconcilier entre la famille et l'école en faisant participer davantage ces parents dans la vie scolaire et les sensibiliser à leur devoir de suivre scrupuleusement le cursus de leurs enfants à travers leur participation permanente et active dans une nouvelle structure représentative qui doit être bientôt créée pour remplacer l'ancienne organisation tunisienne de l'éducation et de la famille (OTEF) qui vient d'être dissoute après le 14 janvier. Un autre changement doit être apporté au profit des enseignants du secondaire, toutes catégories confondues et dans tous les cycles de l'enseignement, dont les conditions matérielles doivent être améliorées. Pour ce faire, le corps enseignant n'a besoin que d'un statut qui puisse lui garantir ses droits et le rassure sur son avenir professionnel. Les enseignants dont la majorité ont choisi ce métier par amour et non simplement comme un gagne-pain, luttent depuis les années 80 pour l'obtention de leur statut sans jamais l'obtenir ; ils le pourront sans doute après la Révolution du 14 janvier qui est venue pour corriger toutes les injustices subies pendant des décennies par ce métier noble, pourtant classé par l'ONU comme l'un des plus pénibles. Le dernier et non le moins consiste à rajeunir le corps enseignant en accordant la retraite anticipée à ceux qui le désirent parmi les enseignants du secondaire ayant accompli entre 30 et 32 ans de service pour créer des milliers de nouveaux postes d'emploi destinés aux diplômés du supérieur ; d'ailleurs c'est l'une des revendications fondamentales du syndicat de l'enseignement secondaire et de base depuis plusieurs années.