• M. Sharran Burrow, secrétaire générale de la Confédération internationale syndicale : «C'est un moment critique pour les femmes arabes» Dans la foulée de la révolution tunisienne, et profitant du vent de liberté qui souffle sur l'ensemble du monde arabe, une réunion a eu lieu hier à Gammarth, dans la banlieue nord de Tunis, qui se propose de créer un réseau de femmes syndicalistes arabes. La date du 8 mars n'est bien sûr pas un hasard, puisqu'on fêtait hier la Journée internationale de la femme. Il faut cependant savoir que cette rencontre a été prévue bien avant les événements que nous avons connus en décembre et janvier dernier. La décision a été prise l'année dernière à Vancouver, lors du deuxième congrès mondial de la Confédération syndicale internationale (CSI). Avec ce qui s'est passé chez nous, et craignant un contexte difficile, les organisateurs au sein de la CSI avaient pourtant décidé de déplacer le lieu de la réunion vers Bahreïn. Mais comme l'agitation révolutionnaire a atteint ce dernier pays et que, par ailleurs, le calme est revenu chez nous, on a retrouvé le projet initial de créer ce réseau de femmes syndicalistes à Tunis. Heureuse initiative : toutes ces femmes, du Maroc, de Mauritanie, du Liban et d'ailleurs semblaient être contentes d'être là. La rencontre a eu lieu en présence de M. Abdesselem Jrad, secrétaire général de l'Union générale des travailleurs tunisiens, ainsi que de Mme Sharan Burrow, secrétaire générale de la CSI. M. Jrad, qui a pris le premier la parole, a rappelé le soutien reçu par l'organisation qu'il dirige de la part de la CSI tout au long des moments qui ont marqué le soulèvement du peuple contre la dictature, en soulignant aussi l'initiative prise par cette organisation à l'occasion d'un conseil central, au début du mois de février, au cours duquel elle a appelé ses membres à faire pression sur leurs gouvernements respectifs afin que ces derniers prennent des mesures en faveur de la Tunisie, soit pour livrer des personnalités compromises dans la corruption de l'ancien régime et pour restituer leurs avoirs, soit pour faire bénéficier notre pays d'un traitement favorable sur le plan du crédit et de l'investissement. Le secrétaire général de l'Ugtt a reconnu, par ailleurs, que les femmes n'étaient pas suffisamment représentées au sein des structures de décision de l'organisation ouvrière, faisant remarquer que la mise en place d'un réseau de femmes syndicalistes au niveau du monde arabe devrait avoir pour effet de renforcer cette présence. M. Abdesselem Jrad a ponctué son intervention en appelant les présents à observer une minute de silence en mémoire des martyrs de la révolution. Après quoi Mme Sharran Burrow a enchaîné en rappelant d'abord l'importance du chantier qui attend les femmes sur le plan du combat pour les droits en général, et pour les droits du travail en particulier. Elle a salué aussi la révolution tunisienne dans des termes appuyés, parlant de moment historique, d'exemple qui inspire le monde et déclarant que la CSI s'est aussi rendue présente à Tunis pour exprimer son soutien durant la période à venir. Mais la venue de la secrétaire générale de la CSI dans un pays arabe s'explique sans doute aussi par le fait que notre région se distingue par une situation relativement alarmante du point de vue de la situation du droit des femmes face au travail. «C'est un moment critique pour les femmes», a-t-elle dit en faisant référence au contexte du monde arabe et à la possibilité donnée aux femmes de faire valoir aujourd'hui leurs droits, non seulement pour elles mais aussi pour les jeunes, leurs enfants, livrés très souvent, comme elles, à la précarité et au manque d'équité. A l'échelle du monde arabe, le taux de participation des femmes au marché du travail représente 25% : c'est le taux le plus faible au monde. Les inégalités liées au genre sont de leur côté les plus élevées. Une grande portion des femmes qui travaillent se retrouvent dans des emplois sans sécurité, dans le secteur informel… Une mention spéciale est faite aux travailleuses domestiques dans les pays du Golfe, livrées à des conditions parfois scandaleuses…