Par Habib CHAGHAL Dégage…ce cri de ralliement des jeunes tunisiens a été lancé dès les premiers jours de janvier à l'encontre du président déchu. Au lendemain de la fuite de ce dernier, ce cri-symbole a été, ensuite, brandi contre certains ministres du premier gouvernement formé par M. Ghannouchi et les gouverneurs qui ont été nommés dans la foulée,puis à l'encontre de toute l'institution gouvernementale et enfin contre les diverses institutions de l'Etat .Et ce ne fut qu'au lendemain de la suspension de la Constitution par le président de la république par intérim, confirmée par le nouveau Premier ministre, que les jeunes de l'intérieur ont levé leur sit-in à la Kasbah et ceux d'El Menzah ont organisé la fête de la victoire. Est-ce le signe que les jeunes sont retournés chez eux pour accueillir dans quelques mois une nouvelle Assemblée constituante puis un président, élus selon de nouvelles règles ? Le slogan, unanimement repris par les jeunes, est‑: le peuple veut balayer le régime (echaab yourid iskat annidham).Partout les responsables, encore en place, essaient de s'accrocher au pouvoir proposant des compromis, et partout les jeunes relèvent le niveau de leurs exigences. En Egypte, à Bahreïn, au Yémen, en Jordanie en Libye et ailleurs, les révoltes ont poursuivi le même processus malgré la nature différente des régimes. Les peuples protestent de plus en plus contre les institutions après avoir balayé, ou en train de le faire, les hommes au pouvoir. Il y a plusieurs signes qui montrent que des régimes obsolètes, et pas uniquement dans le monde arabe, risquent de subir le même phénomène. Nos hommes politiques, qui sont provisoirement au pouvoir, sont en train de rechercher auprès des constitutionnalistes et de quelques politiques fraîchement mis sur le devant de la scène par les médias, comment répondre aux aspirations populaires dans l'immédiat. Ce serait à la nouvelle Assemblée constituante de se débrouiller pour mettre en place des institutions pour un nouveau régime politique. Il serait inutile de donner, dans l'immédiat, un avis sur la nature du régime qui serait élaborée par cette assemblée ( il n y a qu'à parcourir le site de facebook pour découvrir les propositions émanant des milliers de jeunes tunisiens). Il est, cependant, surprenant que personne ne semble avoir pris en compte les transformations sociales ayant engendré les protestations de la jeunesse tunisienne à un moment donné de notre histoire pour concrétiser les nouvelles perceptions des rapports entre l'Etat et le peuple souverain tels que clamés par les jeunes. L'avenir dira si la révolution tunisienne a engendré un tsunami emportant le système des institutions établi par les sociétés occidentales puis adoptés par les autre pays, quelle que soit la nature du régime durant les trois derniers siècles. Constitutionnalistes du monde entier, échangez votre littérature car vous en aurez besoin ! La révolution tunisienne serait-elle à l'origine d'une nouvelle conception d'institutions politiques représentatives répondant à tout instant aux aspirations des peuples ? Dans ce cas, ce serait à nos constitutionnalistes d'être à l'avant-garde afin d'inventer un nouveau système de gouvernance au niveau national, régional et local conforme aux aspirations de cette admirable jeunesse qui a démontré que tout encadrement politique classique est voué à l'échec à court terme, la peur ayant changé de camp depuis la mort de Bouazizi. Sinon il y a urgence d'aménager partout dans chaque ville et dans chaque localité des ‘maïdanes' (places) pour les manifestations de protestation. * Ancien diplomate