L'emploi des jeunes est une priorité nationale, voilà une phrase qui revient comme une antienne depuis plusieurs années, sans qu'on arrive à trouver des réponses appropriées à ce mal endémique devenu, depuis, un mal chronique. Constituant un groupe social particulier, les jeunes vivent, en effet, difficilement la transition entre l'école et la vie active. Ils sont confrontés à d'énormes difficultés dues, notamment, à la qualité de la formation obtenue et qui, souvent, ne facilite pas leur insertion. La multiplication des filières dans l'enseignement supérieur à la faveur de l'introduction du système LMD n'a fait que compliquer la situation. Notre système d'enseignement a subi beaucoup de rafistolages au point de devenir une machine à produire des chômeurs. Nous aurons, peut-être, l'occasion d'y revenir avec plus de détails et beaucoup d'analyse. Autre difficulté, et non des moindres, est la vulnérabilité des jeunes chômeurs qui trouve son explication dans la période de transition entre la date d'obtention du diplôme et l'entrée dans la vie professionnelle et qui, parfois, s'étend sur plusieurs années. Les opportunités d'emploi qui leur sont offertes sont limitées et la plupart d'entre eux sont contraints de recourir à l'emploi indépendant dans le secteur informel, sans y être vraiment préparés. C'est ce qui fait que le chômage est souvent mal vécu par les concernés et leurs familles. Ce qui les amène à rechercher d'autre solutions, souvent précaires et aléatoires, et qui ne sont pas sans risque, comme l'émigration clandestine que nous vivons ces derniers temps comme un véritable drame. Jusque-là les mécanismes et autres instruments et programmes pour l'insertion des jeunes se sont révélés inefficaces et le nombre de chômeurs, parmi les diplômés notamment, n'a cessé d'augmenter atteignant les 160.000, soit environ le tiers du nombre total des chômeurs estimés à 500.000. Ce qui revient à dire qu'un chômeur sur trois est détenteur d'un diplôme. Les diplômés, faut-il le rappeler, représentent 44.9% de l'ensemble des chômeurs parmi les jeunes. Le gouvernement intérimaire a pris, tout dernièrement, un certain nombre de mesures pour la promotion de l'emploi des jeunes diplômés. Des mesures qui ne sont pas sans rappeler d'autres, lesquelles ont prouvé leur inefficacité face à cette précarité qui s'accroît d'année en année. Certes, ce n'est là qu'une première panoplie, en attendant la véritable réponse qui consiste à cesser les politiques d'emplois précaires et à construire une nouvelle stratégie de croissance susceptible de générer des emplois qualifiés et pérennes avec des programmes mieux orientés et plus efficaces. Mais ce sont des mesures qui ne semblent pas se hisser au niveau des attentes des milliers de jeunes qui ne voient pas encore le bout du tunnel et dont l'avenir est incertain. Les jeunes ne sont plus décidés à se laisser faire, pour ne pas dire se laisser berner par des promesses dont ils n'en ont cure. C'est que le fil de la confiance est rompu et il faut du temps pour le rétablir. Il est évident que le gouvernement de transition n'a pas de baguette magique pour sortir de cette crise qui, malheureusement, se trouve aggravée par des facteurs à la fois endogènes et exogènes. Endogènes, suite à la perte de quelque 20.000 postes d'emploi par suite de la fermeture de certaines entreprises et usines ayant fait l'objet d'actes de vandalisme et de pillage. Exogènes, suite au retour annoncé de Libye de plus de 50.000 Tunisiens. Et avec la prochaine sortie de près de 70.000 nouveaux diplômés, la situation ne sera pas de tout repos. Pour revenir aux dernières mesures destinées à promouvoir l'emploi des jeunes diplômés, il faut dire que, bon an mal an, la Fonction publique recrute entre 9.000 et 11.000 jeunes et que décider d'augmenter le chiffre à 14.000 dont 8.500 diplômés est un effort non négligeable, mais toujours insuffisant eu égard au grand nombre de demandes déjà déposées auprès des différents ministères. Les sit-in devant un certain nombre de ministères et autres directions régionales et entreprises publiques montrent, si besoin est, le ras-le-bol des jeunes qui attendent des réponses pratiques à leurs revendications. Et quand on sait que chaque année, une centaine de milliers de candidats se présentent au Capes pour un nombre de postes qui n'a guère dépassé les 3.000, l'on est en droit de se demander comment l'administration va agir pour résoudre cette difficile équation‑? Sachant que ce concours, longtemps décrié par les jeunes, appelle à être complètement revu pour ne pas dire tout simplement supprimé, et remplacé par un autre système plus souple et surtout plus transparent. Un système qui tiendrait compte de critères objectifs basés sur l'ancienneté du diplôme du candidat, la période de chômage, l'ordre de mérite, l'état civil, l'âge, la situation familiale et sociale, avec une priorité pour les familles ayant plus d'un diplômé chômeur, la disparité régionale, c'est-à-dire le taux de chômage et le nombre de chômeurs dans chaque région, avec un avantage pour les régions qui sont le plus frappées par ce fléau. On pourrait prévoir des bonus pour chaque critère pour ne pas léser les plus méritants. Une commission nationale et des commissions régionales, rassemblant toutes les parties dont, notamment, des représentants des jeunes concernés, pourrait se pencher sur la mise en place d'un canevas précis. Les statistiques existent et peuvent servir de référence et d'outil de travail. Sur un autre plan, et pour remédier au déficit de la communication gouvernementale, du moins dans ce secteur névralgique qu'est l'emploi, il serait plus que souhaitable d'adopter une stratégie de communication sur cette question, stratégie qui engagerait toutes les parties concernées et en premier lieu desquelles les jeunes eux-mêmes et qui révèlerait les vrais chiffres. Car, ce gouvernement de technocrates, certes rompus, souffre, malheureusement, de l'absence de communicants capables d'expliquer et surtout de convaincre. Car chanter, encore et toujours, la même antienne ne résoudra pas le problème.